Résumé
Dans les œuvres d’art nous trouvons exprimés nos difficultés à être les auteurs de nos vies et de nos mots, notre sentiment de séparation des autres et du monde : « notre scepticisme ordinaire » (Cavell). Mais l’expérience des œuvres nous offre aussi de dépasser notre sentiment d’isolement, d’exprimer nos goûts et de tester les limites de nos accords. En 1963, vingt ans avant les célèbres cours de Deleuze sur le cinéma à Vincennes, Stanley Cavell (1926- ) proposait aux étudiants de Harvard de chercher dans les films une éducation. En repartant de la signification et de l’importance des œuvres pour nous, il jetait les bases d’une « esthétique ordinaire » qui travaille à reconnaître notre scepticisme vécu. Sa réinterprétation de l’un des plus vieux problèmes philosophiques implique de lire et d’interpréter des œuvres d’art modernistes, des films hollywoodiens ou avant-gardistes qui nous apprennent à ressaisir nos liens ordinaires avec le monde et les autres. Dans ses premiers essais sur la musique, la peinture et le théâtre (réunis dans Dire et vouloir dire) et dans son livre sur Walden de Thoreau (Sens de Walden), Cavell élabore de « nouvelles catégories critiques » (signification-importance, modernisme, médium, projection) pour penser la capacité du cinéma à exprimer notre scepticisme et nous apprendre à le domestiquer (La Projection du monde). Dans ces trois livres, écrits entre 1958 et 1972, chemine davantage qu’une philosophie du cinéma : la « promesse » d’une éducation par le cinéma, d’une philosophie transformée par le cinéma.
Caractéristiques
Sommaire
Abréviations des œuvres de Stanley Cavell
Introduction
PROBLÈMES ET PROMESSES D'UNE ESTHÉTIQUE ORDINAIRE
Importance et signification (significance)
L'importance du cinéma
Prendre en compte notre expérience ordinaire
Voir le sens dans les détails : thérapie de l'intention
Redéfinir l'esthétique par l'importance
Moderne et modernisme
Le moment moderne en philosophie et dans les arts
Un « nouveau terme critique » avec le scepticisme
Lecture du modernisme pictural
LE MÉDIUM CINÉMATOGRAPHIQUE, SES POSSIBILITÉS ESTHÉTIQUES
Critique et thérapie du réalisme
De l'ontologie à la grammaire du cinéma
Ontologie, médium et grammaire
Représentation, présence et conviction dans la réalité
L'automatisme, la base matérielle du médium et ses possibilités esthétiques
Le passage du cinéma à la situation moderniste
L'expérience moderne de notre contingence
L'EXPRESSION DU SCEPTICISME AU CINÉMA
La question transcendantale du réalisme
L'« image mouvante du scepticisme »
« L'inquiétante étrangeté » comme rapport naturel aux films
Ontologie du monde projeté
Expression et domestication de notre scepticisme au cinéma
Le cinéma comme allégorie du rêve sceptique : « vision pure » et « sense-data »
La « vérité » du fantasme et la voie du mythe
Expérience du repli du monde, ontologie de l'absence
Expérience de notre condamnation à l'expression
Conclusion. — Reconnaissance et réconciliation : vers une esthétique perfectionniste
Bibliographie
Autour de l'auteur
Élise Domenach, agrégée et docteur en philosophie, est maître de conférences en études cinématographiques à l’ENS Lyon. Critique de cinéma (membre du comité de rédaction des revues Positif et Esprit), elle a édité et traduit plusieurs ouvrages de Stanley Cavell.