Résumé
L’idée d’une société assumant le fait que ses membres se nourrissent de corps humains constitue une source intarissable de répulsion au sein de la civilisation — en particulier quand l’absorption succède à un acte de violence, et traverse la frontière qui sépare la guerre de la chasse. Embarrassée à plus d’un titre par le thème du cannibalisme, l’anthropologie sociale l’a laissé en friche et continue à osciller entre des déterminations simplistes : cause alimentaire ou motif religieux.
Pour des sciences qui se proposent d’appréhender des réalités hétérogènes, telles que la sociologie, l’histoire et l’écologie, l’occasion s’offre alors d’un double défi à relever : se délivrer de convictions parasites maintenues par la civilisation qui les a engendrées, et combattre enfin de face l’aveuglement terrible et millénaire qui range toute anthropophagie dans le registre de la préhistoire et de la bestialité. En réalité, la dimension historique des sociétés dites « primitives » n’apparaît jamais aussi visiblement que dans les manifestations concrètes du cannibalisme.
La vaste entreprise d’anthropologie historique de l’auteur représente plus d’une vingtaine d’années de recherches de terrain. Il livre avec cet ouvrage le premier volet d’une série monumentale qui en comprendra deux autres, sur l’Asie-Océanie et sur le continent américain.
Caractéristiques
Sommaire
Préface, par Patrick Tort
Introduction. — Regard détourné et régal éloigné
L’allergie ambiguë
Origine de la recherche et déclencheurs anecdotiques
Une science déroutée par sa culture : la répétition des contournements
Une sociologie comparée entre écologie et histoire
PREMIÈRE PARTIE. — PRÉLIMINAIRES ET QUESTIONS DE MÉTHODE
Chapitre premier. Corrélations et exceptions
L’homogénéité du Vieux Monde et la mosaïque du Nouveau
Exocannibalisme, endocannibalisme et chasse aux têtes
L’évolution sociale présumée et les complexités historiques
Biogéographie et ethno-écologie françaises
Hostilités, solidarités et échanges
Chapitre II. De la nature en son histoire à l'histoire en sa nature
Confrontations du cannibalisme dans le monde animal et chez l’homme
Situations de crise chez les singes
Proches cousins, ancêtres lointains et semblables exotiques : le temps et ses équivoques
Événements, faits et tendances : les conditions de la comparaison
Les crises de l’omnivore agressif
La chair de l’histoire
SECONDE PARTIE. — CANNIBALISMES AFRICAINS. LES DENTS CONTRE LES CHAÎNES
Chapitre premier. Tourmentes, tourments et pots de chagrin
Traditions, crises et cataclysmes : des conjonctures privées de structures ?
Survol de la périphérie
L’impossible inventaire du grand foyer
Chapitre II. Prédation et esclavage
Faux départs et mauvais contacts : Sierra Leone, Congo
Asservir ou dévorer : le « malentendu » du cannibale blanc
Désarrois et détresses d’une époque agonisante
Chapitre III. Panthères, chefs et sorciers
Panthères, chefs et sorciers en Afrique occidentale
Grammaire de l’immolation et phrases de la tuerie
Noyaux traditionnels et effets de meute dans les cannibalismes contemporains en Afrique
Chapitre IV. La forêt et le damier
La grammaire du sang chez les Kakös
Les tourbillons de la Lobaye : enquête ethnohistorique en forêt
L’humanisme cannibale
Conclusion. — L'Afrique noire, l'histoire et les portes dérobées
Index des auteurs
Index des peuples et des lieux
Autour de l'auteur
Docteur en biologie et en ethnologie, Georges Guille-Escuret est chercheur au CNRS (Centre Norbert Elias, Marseille). Il utilise sa double formation pour préciser méthodologiquement les relations nécessaires entre écologie et sciences sociales sur des démarcations troubles : nature/culture, évolution/histoire… Il a publié plusieurs essais, dont Les sociétés et leurs natures (Armand Colin, 1989), Le décalage humain : le fait social dans l’évolution (Kimé, 1994) et L’anthropologie, à quoi bon ? (L’Harmattan, 1996).