Résumé
L’étude de l’Empire est souvent présentée dans le seule perpective romaine par les Anciens, qui jugeaient plus intéressante l’histoire de l’Empire que celle des provinces, sauf quand elle intéressait l’Empire dans son ensemble. Cette approche tend parfois à exagérer l’unité et l’uniformité de l’Empire, puisque la méthode chronologique prime sur l’approche thématique. La romanisation elle-même fait penser que l’Empire tendait à devenir un tout uniforme où disparaîtraient les particularismes régionaux. Mais, même pour un Romain du Haut-Empire, la diversité régionale n’était-elle pas saisissante ? Le procurateur envoyé aux quatre points de l’Empire pouvait-il confondre l’Egypte fertile et sa civilisation millénaire avec la Brittannie septentrionnale et la Pannonie ? L’Empire gomma d’autant moins les spécificités locales que la romanisation toucha d’abord les élites plutôt que les peuples, que les langues vernaculaires ne disparurent que lentement et qu’il ne conçut jamais un projet d’unification culturelle. Si l’Occident européen connut une romanisation relativement rapide, l’Orient hellénophone méprisait trop les Romaioi pour accepter la latinisation. Il suffit de rappeler l’emploi du droit grec du commerce en Orient, la persistance des cultes égyptiens et l’inégal degré d’urbanisation pour concevoir la nécessité d’une approche régionale de l’Empire. Administration romaine à part, les peuples de l’Empire ne partageaient ni langue (l’Orient restant hellénophone), ni religion (outre la religion impériale), ni droit, ni mœurs ou mode de vie communs. L’histoire des provinces est une histoire éclatée, mais seule la conscience des particularismes et des oppositions permet de comprendre la grandeur et la vivacité de l’Empire, qui réussit à créer une communauté de destin, une patria communis entre anciens vainqueurs et vaincus sans bénéficier d’une communauté culturelle. La grandeur de l’Empire tient d’abord au succès de cette unification sans complète assimilation qui porta ses fruits à partir des crises du IIIe siècle lorsque des hommes issus de peuples non italiques embrassèrent la cause romaine tant les différentes provinces étaient devenues solidaires les unes des autres sans pour autant se fondre en une culture commune.
Caractéristiques
Sommaire
Avant-propos -- Bibliographie
I -- L'Italie, la Sicile et la Sardaigne par Michel Tarpin
II -- L'Afrique par Claue Lepelley : L'Afrique proconsulaire et la Numidie -- La Mauritanie césarienne et la Mauritanie tingitane
III -- Les provinces hispaniques par Daniel Nony
IV -- Les Gaules et la Germanie par Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier : La conquête et l'urbanisation -- L'administration et les institutions -- La religion -- La société -- L'économie -- La romanisation
V -- La Bretagne par Patricia Southern : Les sources -- Histoire militaire et politique -- La population civile -- La romanisation
VI -- Les provinces danubiennes par John Wilkes : La conquête -- La frontière danubienne et la romanisation sous les Flaviens et les Antonins -- Prospérité et crise au IIIe siècle
VII -- Le monde grec européen et la Cyrénaïque par Pierre Cabannes
VIII -- Les provinces anatoliennes par Maurice Sartre : étapes de la provincialisation -- administration et défense -- vie urbaine et diffusion de l'hellénisme -- les campagnes
IX -- L'Orient sémitique par Maurice Sartre : le peuplement -- intégration -- le monde des cités -- le monde rural -- production et échanges -- langues, cultures et cultes -- crises de la Judée
X -- L'Égypte par Joseph Mélèze-Modrzejewski : la singularité de l'Égypte -- l'Égypte impériale -- le régime provincial -- société et économie -- adhésion et résistance -- païens, juifs, chrétiens, paix et guerre
Conclusion par Claude Lepelley -- Index -- Bibliographie
Autour de l'auteur
Ouvrage publié sous la direction de Claude LEPELLEY, professeur à l'Université de Paris X - Nanterre.