Résumé
À la différence de la France où les travaux sur les relations entre les infrastructures nucléaires, leur environnement et l’opinion publique ont principalement questionné le programme civil, la littérature anglophone s’est principalement intéressée au domaine militaire. La dimension impériale et post-coloniale a été largement documentée pour le monde anglo-saxon, qu’il s’agisse des populations amérindiennes de l’Ouest des Etats-Unis, de l’Alaska ou des habitants du Pacifique, la notion de colonialisme nucléaire étant familière au monde académique américain depuis les années 1980.
D’un point de vue historiographique, cette notion demeure très marquée par les revendications de justice environnementale particulièrement fortes dans les années 1980 avec une démarche de mise en visibilité des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires accomplis par les grandes puissances dans des espaces périphériques. La proposition plus récente d’un « impérialisme nucléaire » permet d’élargir le questionnaire en prenant en compte les multiples formes d’inégalités à l’œuvre dans les territoires en situation coloniale ou post-coloniale.
Un colloque international organisé en janvier 2022 à Paris (Inalco-Cresat-IUF), invitant à comparer et considérer les circulations transnationales entre les sites d’essais et les Puissances nucléaires, a rappelé la fécondité de la dimension impériale pour le choix des sites dans le contexte de la Guerre froide. Il a également permis de souligner que le nucléaire n’est pas un attribut de la domination impériale administré unilatéralement. Les essais donnent l’occasion à des diplomaties non souveraines de s’affirmer (Nigéria), et interviennent comme un facteur de reclassement dans des situations impériales grises, notamment avec les anciens dominions, considérés comme des interlocuteurs mineurs pour les Puissances nucléaires.
En se concentrant sur les sites français, ce dossier vise à interroger le degré de publicité et de secret qui entourait les essais et la possibilité de coopérations comme de controverses.
Caractéristiques
Sommaire
LES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS :
ENJEUX INTERNATIONAUX ET TRANSNATIONAUX
Renaud Meltz, Alexis Vrignon et Stanislas Jeannesson, Introduction
Thomas Fraise, Comment cacher un nuage ? L’organisation du secret des sites d’essais nucléaires français, 1957-1974
Yannick Pincé, Les essais nucléaires et la fabrique de la notion de « consensus », 1973-1988
Chloé Mayoux, Le soutien britannique aux essais français pendant la décolonisation africaine (1959-1960)
Nicolas Badalassi, L’Europe occidentale et les essais nucléaires français dans les années 1960 et 1970. « Preuve d’indépendance » ou « triomphalisme militaire pathétique » ?
Sarah Mohamed-Gaillard, L’agneau, le beurre et l’atome. Quand la France invite les affaires européennes dans le débat nucléaire océanien
Noémie Marques-Verhille, Être une voix pour les autres : la contestation néo-zélandaise des expérimentations nucléaires françaises dans le Pacifique insulaire (1963-1996)
Clémence Maillochon, L’Église évangélique de Polynésie française contre les essais nucléaires : l’influence des réseaux œcuméniques
VARIA
Samuel Libeau, « Ce qu’a uni Dieu, l’homme ne peut le séparer ». Les catholiques face à la rupture des relations diplomatiques hispano-mexicaines après la Guerre Civile espagnole
Étienne Morales, Les connexions aériennes entre Cuba et le Chili sous l’Unité Populaire : antécédents, synchronies et ruptures (1970-1973)
Michel Catala, Hommage à Yves-Henri Nouailhat
Résumés ̶ Abstracts
Note de lecture
Les hommes de Gorbatchev. Influences et réseaux (1956-1992), de Sophie Momzikoff-(Carolina de Stefano)
Prochain numéro
Acteurs du sport et relations internationales