Résumé
Les écrits du premier Rawls (1951-1969) demeurent mal connus. De fait, on ne retient en général de son libéralisme que deux choses que l’on fait souvent correspondre à deux moments précis dans son œuvre. C’est d’abord le cas de son rejet de l’utilitarisme, jugé incapable de fonder une justice équitable non réductible à l’efficacité et qui légitime la rédaction de Théorie de la justice, puis, par la suite, de son opposition aux communautariens et à leur promotion d’un idéal de la vie bonne — opposition qui informerait l’ensemble de Libéralisme politique.
La philosophie de Rawls ne saurait néanmoins se résumer à ces deux leitmotivs, ne serait-ce que parce qu’une approche globale de son œuvre donne clairement à voir que les orientations et décisions théoriques que l’on fait remonter à des dates précises sont le fruit d’une lente maturation qui n’a rien de définitif, ni de monolithique. Ainsi, l’inscription du philosophe américain à l’intérieur du sacro-saint débat libéraux-communautariens est fort révélatrice de la difficulté à penser que Rawls pourrait se situer dans un entre-deux théorique. Pourtant, l’existence, dans son œuvre, de velléités républicaines en germe au moins depuis Théorie de la justice, va précisément dans ce sens. De même, sa défense d’un libéralisme politique est sérieusement mise à mal lors du passage du niveau national au niveau international de sa théorie.
En résumé, pour comprendre les respirations, les hésitations, les concessions, voire les revirements d’une pensée souvent déroutante, une lecture à la fois synthétique et minutieuse — voire une généalogie — de l’œuvre rawlsienne s’avère fondamentale. Le présent ouvrage s’attache à rendre compte d’une philosophie qui vit, évolue et mue avec son auteur et parfois même contre lui. C’est là, finalement le vrai sens d’une « utopie réaliste » telle que la concevait Rawls, à la fois analytique et critique.
Caractéristiques
Sommaire
Prologue. — Quelle justice, quelle équité ?
Chapitre premier. — Premières intuitions (1951-1968)
1951 : Questions de méthode
1958 : Prémices conceptuelles
1963-1968 : De la position générale au voile d’ignorance
Bilan
Chapitre II. — Les ambitions d’une alternative (1971)
Principes, devoirs et obligations
La question de la liberté
Une certaine idée de la tolérance
Sentiments moraux et théorie du bien
Projet de vie individuel et union sociale
Bilan
Chapitre III. — Le tournant politique ? (1980-1993)
La transition : « Le constructivisme kantien dans la théorie morale »
Le tournant : « La théorie de la justice comme équité : une théorie politique et non pas métaphysique »
La confirmation : Libéralisme politique
Chapitre IV. — Vers un réaménagement effectif des questions de justice politique ? (1995-1997)
Justice, stabilité et légitimité
Délibération et citoyenneté
Typologie des conflits et reconnaissance
La question religieuse
Chapitre V. — Justice internationale et questions globales (1999)
Seconde position originelle et typologie des États
Devoir d’aide et rejet du cosmopolitisme
Société fermée et immigration
Bilan
Épilogue. — Le nouvel esprit de l’équité
Références et abréviations utilisées
Autour de l'auteur
Soumaya Mestiri enseigne à l'Université de Tunis. Parmi ses publications : De l'individu au citoyen. Rawls et le problème de la personne (Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2008).