Résumé
"La recherche" n'est pas seulement l'histoire d'une vocation, elle est aussi celle de la quête d'une réalité qui se révèle être l'origine et le terme de l'écriture. Pourtant le récit semblait stigmatiser une série de désillusions démontrant la platitude d'une réalité opposée aux désirs et aux mythes intimes. Il y a donc chez Proust deux conceptions divergentes du réel.
Cette étude qui part du constat d'un chiasme entre fantasme et sensible dans les pages liminaires du roman, s'est centrée sur la redéfinition proustienne de la sensation et de la réalité. Déconsidérées par les versants idéalistes et symbolistes de la philosophie et de la littérature du tournant du siècle, celles-ci sont réhabilitées par Proust qui annonce les ultimes réflexions de Merleau-Ponty sur le monde sensible.
Les notions de "sillon", de "réseau" ou "d'engainement" s'imposent, le schème de la profondeur joue un rôle essentiel dans cette nouvelle approche du réel. Caractérisant l'activité de l'artiste, le "plongeur" proustien, la profondeur fonde aussi sa perception des spectacles sensibles, avec disparition de la dichotomie surface / intériorité.
Un nouveau style apparaît : l'écrivain invente une esthétique de la surimpression qui lui permet de mettre à jour l'essence du sensible défini comme entre-deux dynamique, manifestation fluctuante d'une profondeur sous-jacente, entre être et non-être, visible et invisible, présent et passé.
La recherche suggère ainsi l'entrelacement du langage et du sensible : Proust permet à la littérature de retrouver ses pouvoirs référentiels, sans souscrire à la conception classique imitative de la "mimesis".
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
Du « réel immobile » au « réel retrouvé »
Portrait de Proust en phénoménologue
Points de vue-images du monde
PREMIÈRE PARTIE DE L’ESSENCE À LA RÉALITÉ
Chapitre I La crise des dualismes
L’alternative insoluble : entre subjectivisme et objectivisme
Les insuffisances de l’intelligibilité
Proust héritier ?
« L’essence » dans Le Temps retrouvé : un idéalisme obsolète
Temps et essence
Un vacillement entre être et non-être
De la permanence à l’empiétement
Relativisme psychologique et certitude ontologique
Chapitre II Deleuze et les signes
La sensibilité du signe artistique
De la Berma comme image
... à la Berma comme incarnation du sens
Critique de l’essence et du signe proustiens selon Deleuze
L’essence, un « Point de vue [trop] supérieur » ?
L’opposition deleuzienne entre le matériel et le spirituel
Objet, sens et signe
DEUXIÈME PARTIE EXISTENCE + IMAGINATION = RÉALITÉ
Chapitre I Au cœur du réel : mirages et croyances
Erreur des sens et vérité ontologique
Du monde fragmenté au monde total
Les croyances, socle de la vocation
Mort du Bois, mort du Moi
« Vous n’avez plus rien à me dire » : mutisme de la réalité et stérilité poétique
Chapitre II L’arche et la chair
De la claustration à la dilatation
« Des viscères mystérieusement éclairés »
Du « fauteuil magique » à la barque enchantée
« Le temps incorporé »
TROISIÈME PARTIE SURIMPRESSIONS SENSIBLES ET STYLISTIQUES
Chapitre I Horizons de la profondeur
Courbures ineffables du réel et « descriptions » sensibles
Courbes sonores ou visuelles
Le rayon différentiel
Épiphanies de la profondeur
La couleur en instance
Précipité aérien : visibilité et pesanteur
Frayages maritimes : transparence et profondeur
La fin de la dichotomie surface-profondeur
De la profondeur à la surimpression
Chapitre II Une esthétique de la surimpression
Jeux surimpressifs : « comme reviennent les choses dans la vie »
Une poétique de l’empiétement
L’architecture de l’émotion : l’ogive vénitienne
Une « figure idéale » : le temps des salons
Le réel entre palimpseste et réseau : l’impossible herméneutique
Conclusion
Nature, liberté, histoire : le réel sacrifié ?
Le silence au cœur de la référence
Index
Autour de l'auteur
Anne SIMON est ancienne élève de l'Ecole normale supérieure, agrégée de lettres et docteur ès-lettres. Elle enseigne la littérature française à l'Université de Paris III - Sorbonne Nouvelle. Elle a publié de nombreux articles sur Proust