Résumé
Découvrir la noblesse de l’odorat et apprendre à être un philosophe nez : tel est le but de ce livre, qui fait d’un sens négligé un objet de réflexion à part entière. L’entreprise de réhabilitation de la sensibilité olfactive passe par la remise en cause des préjugés sur l’odorat comme sa prétendue faiblesse, son caractère primitif, incommode ou immoral et par l’examen de la manière dont l’esprit nous vient aussi du nez. La démarche se fonde sur la découverte anthropologique du rôle décisif des odeurs dans la constitution de la mémoire et de l’affectivité ainsi que dans la construction de l’identité et de l’altérité.
Cette entreprise vise la promotion d’un véritable art olfactif qui dépasse le simple usage cosmétique des parfums et substitue « le sentir beau » au « sentir bon ». L’élaboration d’une esthétique olfactive repose en effet sur la recherche des expressions artistiques de l’odeur, aussi bien dans la littérature chez des auteurs comme Huysmans, Balzac et Proust, que dans la musique de Debussy, la peinture de Gauguin ou la sculpture de Rodin. Elle s’appuie également sur les tentatives historiques de création pure de parfums à travers la voie ancienne des fragrances au Japon ou les performances et les installations dans l’art contemporain.
Exprimant l’idée dans l’odeur, cette esthétique olfactive sous-tend depuis longtemps la spéculation philosophique en offrant des modèles de pensée et d’appréhension subtile d’un réel invisible et volatil. Après Héraclite et Empédocle, Lucrèce, Condillac et Nietzsche incarnent cette figure du sagace qui flaire le parfum de la vérité ou du mensonge : preuve s’il en est que philosopher, c’est avoir du nez.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction. — L'anosmie des philosophes
PREMIÈRE PARTIE. — LA SENSIBILITÉ OLFACTIVE
Chapitre premier. Nature et préjugés
Un sens faible ou affaibli ?
Un sens primitif et bestial ?
Un sens incommode et insociable ?
Un sens sale et immoral ?
Un sens subjectif et très trompeur ?
Chapitre II. L'un et l'autre à vue de nez…
Parfums d’altérité
Parfum d’identité
DEUXIÈME PARTIE. — ESTHÉTIQUE OLFACTIVE
Chapitre III. Les expressions artistiques de l'odeur
L’odorat : un sens muet ?
Les expressions littéraires de l'odeur
Les expressions musicales et plastiques de l'odeur
Chapitre IV. L'art olfactif
L’art du parfum et son statut esthétique
Un modèle philosophique d’art olfactif : le pur plaisir des odeurs chez Platon
Un modèle littéraire imaginaire : Des Esseintes et l’art olfactif
Un modèle historique réel : le Kôdô ou la voie des fragrances au Japon
La naissance d’un art contemporain olfactif
TROISIÈME PARTIE. — PHILOSOPHIES OLFACTIVES
Chapitre V. De l'anosmie à la panosmie : les conditions de possibilité d'une philosophie de l'odorat
Le silence olfactif de Parménide et Anaxagore
Démocrite et l'effluve d'odeur
Héraclite ou la respiration de la raison
La panosmie d'Empédocle
Chapitre VI. Les modèles philosophiques olfactifs
Lucrèce ou la sagacité
L'esprit qui nous vient par le nez : Condillac et la statue
Nietzsche ou le nez philosophe
Bibliographie
Autour de l'auteur
Ancienne élève de l’École normale supérieure, Chantal Jaquet est professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, où elle enseigne l’histoire de la philosophie moderne. Elle est l’auteur de seize livres portant sur Spinoza, Bacon, l’âme et le corps, dont deux ont été publiés aux PUF : Le corps (2001), et L’unité du corps et de l’esprit chez Spinoza (2004).