Résumé
Entre le XVIe et le XVIIIe siècles, une nouvelle épistémé instituant un lien étroit entre le sensible, le beau et l’art, ainsi que l’apparition du concept neuf de Beaux-Arts, avait préparé un domaine de questionnement relativement unifié, que Baumgarten avait consacré en le baptisant. Les ouvrages les plus notables qui en relèvent en France au XVIIIe siècle, ne sont pas très nombreux (Traité sur le beau (1715) de Jean-Pierre de Crouzat, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture (1718) de l’Abbé Dubos, Essai sur le beau (1741) du Père André, Les Beaux-arts réduits à un même principe (1746) de Charles Batteux, Traité du beau (1752) de Diderot). Les productions de deux siècles suivants dans le champ de l’esthétique sont nettement plus abondantes. S’y jouent non seulement des thèses différentes sur ces objets que sont le beau, le sensible et l’art, mais aussi des positions méthodologiques divergentes concernant l’approche de ces derniers. S’y jouent aussi, conséquemment, des définitions variables de la discipline, du périmètre de ses objets, de ses méthodes légitimes, de ses rapports à la philosophie et aux sciences.
Ce numéro sera consacré aux philosophes qui, en opposition ou en dialogue avec les esthétiques se voulant scientifiques et utilisant pour cela les acquis des sciences positives de leurs temps, ont poursuivi la tradition d’une métaphysique du beau. Pensons à Victor Cousin, à Quatremère de Quincy, ou à Ravaisson dont Bergson disait que « toute sa philosophie dérive de cette idée que l’art est une métaphysique figurée et que la métaphysique est une réflexion sur l’art ». Pensons à Théodore Jouffroy pour qui, « l’art est l’expression de l’invisible par les signes naturels qui le manifestent », à Antelme Chaignet ou Paul Eugène Voituron qui envisageait l’esthétique comme une introduction psychologique à la métaphysique du beau. Voire, un peu plus tard, Maritain ou Lavelle et à toutes les esthétiques issues du spiritualisme du XXe siècle. Il y a là une tradition largement oublié qu’il serait intéressant de considérer pour elle-même et pour faire apparaître la richesse et la complexité de ces moments fondateurs de l’esthétique et de la philosophie de l’art que furent le XIXe et la première moitié du XXe siècle français.
Dossier est dirigé par Carole Talon-Hugon (Sorbonne Université)
Caractéristiques
Sommaire
Sommaire
Dominique CHATEAU, L’ambivalence de la notion d’arts plastiques : Lamennais et Taine
Laurent CLAUZADE, L'esthétique de Jouffroy: la sympathie et le beau de l'invisible
Jean COLRAT, Maurice Griveau : l'esthétique comme science idéaliste de la nature
Daniel DUMOUCHEL, 'Le sérieux de l'art'. Jean-Marie Guyau et les enjeux de l'esthétique
Danielle LORIES, Victor Basch et le sentiment esthétique : quelques remarques sur sa critique de la Critique kantienne
Roger POUIVET, Rationalisme et réalisme esthétiques chez Paul Souriau
Maud POURADIER, L'ars pour l'art : le néothomisme esthétique de Jacques Maritain.
Audrey RIEBER, De la nécessité d’introduire la philosophie hégélienne de l’art en France. La traduction non littérale des Cours d’esthétique par Charles Bénard
Mark SINCLAIR, Le génie chez Séailles et Bergson
Carole TALON-HUGON, Necessité et utilité morale de l’art selon Quatremère de Quincy
Kevin TOUGAS, Paul Voituron (1824-1891) : Un penseur oublié au carrefour du spiritualisme et du progressisme