Résumé
L’expérience morale est immédiatement expérience politique. Car le monde peut rendre l’interrogation morale insensée ; il peut empêcher de vivre en accord avec soi-même, affaiblissant le sentiment d’exister. Individualiser les questions morales, c’est moraliser, souvent avec violence, des vies ainsi abstraites de leurs conditions sociales et politiques.
Pour ne pas faire de la pensée morale un instrument de normalisation, il convient de partir de l’extériorité de la vie humaine : c’est hors de soi que se trouvent les conditions d’un rapport moral à soi – qui est alors précaire. Accorder un sens à l’examen de sa propre vie, à l’attention au réel et au monde : cette disposition – qui se révèle le socle du sens moral – est relationnelle et mondaine. La réflexion éthique ne saurait assurer une vie sensée, prémunie contre la contingence.
Penser l’expérience morale, c’est alors comprendre pourquoi les hommes valorisent une telle réflexion, qui ne leur permet aucune maîtrise et qui ne dépend pas d’eux. La « philosophie morale » qui s’y essaie est d’emblée une philosophie sociale renouvelant les rapports entre la morale et la politique. D’une part, exercer un jugement moral autonome a des conditions extérieures ; d’autre part, un lien apparaît entre la destruction politique et la dépossession morale : il semble indiquer un rapport entre existence politique, puissance de vie, exigence morale et responsabilité pour le monde.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
PREMIÈRE PARTIE. — LE RAPPORT À SOI À L’ÉPREUVE DU MONDE : CRITIQUE DE L’AUTARCIE MORALE
Chapitre premier. Le soi déchiré : expériences de perte de soi
L’impossible et nécessaire appropriation de soi (la condition ouvrière lue par Simone Weil)
L’impossible cohérence avec soi-même et la distorsion du rapport au réel
L’impossible intégrité morale : la terreur au quotidien
Chapitre II. — Rapports à soi dans la conjoncture : morale et politique de la lucidité
Les contradictions inhérentes au rapport à l’extériorité
La fortune, la conjoncture et l’ambivalence de la conduite
L’équivocité de l’inscription dans la conjoncture
Conclusion
SECONDE PARTIE. — L’EXTÉRIORITÉ DE LA VIE HUMAINE : RAPPORT AU MONDE ET RAPPORT À SOI
Chapitre III. La vie insituable, le monde invivable. Expériences de perte du monde
La déliaison – les cadres subjectifs d’appréhension du monde
La désorientation – les conditions de l’inscription spatio-temporelle dans le monde
Conclusion : l’étrangeté au monde et à soi
Chapitre IV. Expériences morales hors de soi
Éprouver et situer sa vie : l’ascription et l’inscription dans le monde
Le sujet moral situé
Conclusion. — Penser le monde, instaurer un monde
Autour de l'auteur
Ancienne élève de l’École normale supérieure (Ulm), agrégée de philosophie en 2001, Valérie Gérard a soutenu en 2008 une thèse de philosophie à l'Université de Lille 3 : « Critique de l’autarcie morale. Sur les conditions extérieures du rapport à soi ». Elle est actuellement chargée de recherches à l’ENS-Ulm.