Résumé
Les procureurs sont-ils les acteurs professionnels d’une autorité judiciaire indépendante ou les agents d’exécution des politiques publiques du pouvoir en place ? Ces magistrats sont placés au centre du système pénal et, dès lors, au cœur des débats quant à son fonctionnement et son indépendance. Le « parquet » occupe ainsi une position stratégique dans le cadre des réformes de la procédure pénale qui sont régulièrement à l’ordre du jour du gouvernement français, à l’heure où il est question de supprimer la fonction de juge d’instruction. Le présent ouvrage s’appuie sur les résultats d’un programme de recherche d’envergure sur le métier de procureur de la République (qui dirige le parquet de chaque tribunal). Il pénètre de la sorte dans la boîte noire de son travail, de ses difficultés, de ses évolutions, de la manière dont sont conduites les « politiques pénales » et de son lien toujours incertain avec le pouvoir exécutif dont il dépend hiérarchiquement. Derrière l’image d’Épinal d’un procureur animé par la seule logique d’une répression accrue et soumis à la tutelle du politique se profilent en réalité des enjeux plus complexes tels ceux des réponses aux flux croissants de dossiers, de la gestion des moyens et des hommes, du lien avec les dispositifs des politiques locales ou des relations avec la police judiciaire. Quant à la question de l’autonomie, elle répond à des logiques plus subtiles et mouvantes qu’un regard furtif ne laisserait penser. Aussi les carrières de ces magistrats, la matière de leur travail quotidien, leurs prises de position professionnelles et leurs stratégies collectives sont saisies par les outils méthodologiques de la sociologie des compétences professionnelles et de la psychologie du travail. En outre, deux chapitres envisagent la réalité du fonctionnement institutionnel et professionnel des parquets de quelques pays proches de la France (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Hollande), permettant de mettre en perspective les enjeux propres à la France en la matière.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction. — Les procureurs de la République sous l’œil de la recherche
Chapitre premier. — Comment devient-on procureur de la République ?
Petit panorama démographique des procureur(e)s
Dynamiques de carrières : entre contraintes personnelles et enjeux professionnels
Les carrières comme filières
Chapitre II. — Le procureur de la République au quotidien : magistrat et manager
Le procureur de la République au travail ou les micro-arbitrages en séquences
Le procureur de la République dans son habit de directeur et de gestionnaire
Chapitre III. — La conduite de l’action pénale : de « l’action publique » aux « politiques pénales »
Le suivi des dossiers : entre éthique professionnelle et cohésion institutionnelle
« Développer, appliquer, évaluer » : déclinaisons des politiques pénales
De la stratégie professionnelle à la crise identitaire
Chapitre IV. – Le procureur dans son environnement : recompositions des hiérarchies et des collaborations
La hiérarchie du ministère public : vers une reprise en main ?
La direction de la police judiciaire
Quelles relations avec les juges d’instruction ?
Le dialogue avec les médias
De la hiérarchie à la compétence professionnelle
Chapitre V. — De la compétence à l’identité professionnelle
Les procureurs, un clergé séculier ?
De la vocation à la crise des moyens
De l’éthique de la fonction à sa définition
Polémique autour d’une réforme du statut
Une mutation par secousses
Chapitre VI. — Les procureurs en Europe : les parquets sous influence
En Allemagne, le procureur « un juge devant le juge »
Un parquet espagnol amoindri et hiérarchisé
Chapitre VII. — Les procureurs en Europe : régimes d’autonomie
En Belgique, des procureurs à l’identité hybride
Aux Pays-Bas, des procureurs à l’écoute des attentes du public
Troisième modèle : le parquet dans le pouvoir judiciaire (Italie)
Quelques éléments d’analyse transversale
Conclusion
Liste des abréviations
Bibliographie indicative
Annexe méthodologique
Autour de l'auteur
Philip Milburn est professeur de sociologie à l’Université de Versailles St-Quentin (France).
Denis Salas est magistrat, secrétaire général de l’Association française pour l’histoire de la justice, directeur scientifique des Cahiers de la Justice et membre du centre d’études des normes juridiques (EHESS, Paris, France).
Katia Kostulski est maître de conférences en psychologie du travail du Centre national des arts et métiers (CNAM, Paris, France).