Résumé
L’impartialité de l’ordre juridique est le principe cardinal de la liberté moderne, qui n’a vu le jour qu’avec la destruction de la société des statuts et des privilèges. « Equal rights for all, privileges for none » a été le mot d’ordre de la révolution américaine, de Jefferson à la présidence Jackson (1829-1837). Très tôt cependant, on a compris que, à l’intérieur d’un ordre juridique impartial, les différences de situation, d’accès aux ressources naturelles, donnaient lieu à des différences de pouvoir privé qui mettaient en péril l’autonomie de certains. Les Américains ont été confrontés à ce dilemme au lendemain de la guerre civile, lorsque l’industrialisation menaçait de donner naissance aux rapports du salariat que la république des propriétaires indépendants avait prétendu répudier pour toujours. Fallait-il maintenir le langage classique dans sa pureté – l’égalité rigoureuse des droits – et considérer comme légitimes toutes les inégalités auxquelles ces droits impartiaux pourraient donner naissance en les tenant pour l’effet inévitable des différences de talents entre les individus ? Ou fallait-il au contraire – comme l’ont soutenu les progressistes jusqu’au New Deal – remodeler sans cesse le droit pour maintenir un équilibre relatif de pouvoirs entre les acteurs privés ? Fallait-il définir la liberté par la commune soumission à des règles impersonnelles, ou bien par la possibilité donnée à chacun – qui suppose une sorte de « personnalisation » du droit ou de discrimination positive avant la lettre – de ne pas être exposé aux pressions excessives du pouvoir privé ?
Caractéristiques
Sommaire
Première partie – Le langage classique
Chapitre 1 – La philosophie politique de la cour Lochner
Chapitre 2 – William Graham Sumner : le principe de proportionnalité
Deuxième partie – « Wealth against commonwealth ». L’argent contre la république
Chapitre 3 – Henry George et la rhétorique de la liberté américaine
Chapitre 4 – Rétablir les conditions d’une concurrence équitable : le nouveau rôle de la puissance publique
Troisième partie – Une théorie sociale progressiste
Chapitre 5 – L’État et la loi, instruments de l’action de la société sur elle même. De la démocratie à la sociocratie, l’œuvre de Lester Frank Ward
Chapitre 6 – Herbert Croly et le nouveau nationalisme
Quatrième partie – L’univers des concepts juridiques
Chapitre 7 – Le langage de la liberté naturelle en question
Chapitre 8 – Roscoe Pound ; vers une jurisprudence sociologique
Cinquième partie – la fin d’un dogme tenace
Chapitre 9 – La remise en cause du dogme de l’impartialité : la philosophie juridique de Robert Lee Hale I
Chapitre 10 – La remise en cause du dogme de l’impartialité : la philosophie juridique de Robert Lee Hale II
Autour de l'auteur
Jean-Fabien Spitz, ancien élève de l’École normale supérieure et agrégé de philosophie, est professeur de philosophie politique à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.