Résumé
Suffragettes tenues pour des hystériques précipitant la « ruine de la Nation », Gandhi qualifié par la rumeur impériale de « fakir à moitié nu », Noirs et indigènes sommés de cesser de « faire les nègres » et de feindre la souffrance, mères de la place de Mai et Femmes en noir invitées à retourner à leur foyer, paysans indiens et « semeurs libres » criminalisés… : autant d’acteurs de la désobéissance civile qui tentent de résister à la violence à laquelle est soumise leur existence. C’est en raison de leur propre anti-violence qu’il y a quelque chose d’irréductiblement sauvage dans leur lutte, qui engage avant tout l’exposition des corps.
Questionner la désobéissance, c’est mettre en évidence ce qui, dans les antagonismes politiques, relève de l’organisation asymétrique des rapports sociaux de sexe, de classe et de race. Ainsi, si l’« on gagnerait beaucoup à pouvoir éliminer du vocabulaire de notre pensée morale et politique ce pernicieux mot d’obéissance », comme le préconise Hannah Arendt, c’est parce que le politique est l’affaire de tous.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
Première partie – Des citoyens sans cité ?
1 – L’OBJECTION DE CONSCIENCE OU LE « MONOLOGUE DES RAISONS »
Antigone, la matrice de la désobéissance aux lois
Les procès de Socrate : l’apologie de Socrate et le Criton
« il vaut mieux souffrir une injustice que d’en commettre une »
2 – SANS FOI NI LOI
La politique est-elle affaire de morale ?
La honte de soi : à la charnière entre objection de conscience et désobéissance civile
3 – DU « PEUPLE » À LA « MINORITÉ » ?
Incivilités et institutions (machiavel)
La résistance a l’oppression
La résistance au châtiment dans les limites du droit de glaive (Hobbes)
La crainte de l’esclavage, la résistance civile et « l’appel au ciel » (Locke)
L’indignation et le « minimum incompressible » (Spinoza)
Principe de majorité et principe de minorité
Deuxième partie – « Raison de cité »
4 – LA PAROLE SAUVAGE : LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE DANS LES LIMITES DES CONCEPTIONS DÉLIBERATIVES DE LA DÉMOCRATIE
Des espaces publics subalternes ou plébéiens : les notions de publicité et de rationalité face aux rapports de classe, de genre et de race
Les subalternes peuvent-elles désobéir ?
5 – DIVISION SEXUÉE OU GENRÉE DE LA VIOLENCE ?
Le sexe de la justice
Le genre du patriotisme guerrier
6 – FAIRE BARRAGE DE SON CORPS : LE CAS DES SUFFRAGETTES
Du corps hystérique au corps-outil
La grève de la faim ou l’impossible digestion
7 – LA NON-VIOLENCE COMME CRITIQUE
Corps subalternes, politiques androgynes
La non-violence comme déni de violence
Troisième partie – L’extrême violence et la désobéissance civile
8 – SABOTAGE ET DÉSOBÉISSANCE CIVILE
Lutter sans armes
Le sabotage : entre tactique et stratégie
9 – DE LA GUERRE A LA DISPARITION : UNE NOUVELLE ÉCONOMIE DE LA VIOLENCE
Le « télémeurtre » et l’impossible critique de la violence ?
Repenser l’imagination
Conclusion
Autour de l'auteur
Hourya Bentouhami est maître de conférences en philosophie à l’université de Toulouse-Jean Jaurès. Ses travaux portent sur le renouvellement de la théorie critique à partir des études féministes et postcoloniales. Elle est l’auteur de Race, cultures, identités (Puf, 2015).