Résumé
Le titre de cet ouvrage a une apparence paradoxale, voire provocatrice. Il accole en effet une condition stigmatisée, celle d’« assisté », et une valeur reconnue et centrale dans les sociétés modernes avancées : « l’autonomie ». Le paradoxe n’est cependant qu’apparent. S’interroger sur l’autonomie des assistés revient simplement à se défaire de la prénotion selon laquelle les assistés sont passifs et dépendants, pour se demander comment des individus qui reçoivent une assistance de la part de la collectivité parviennent à faire face au stigmate et à la pauvreté.
Ce livre se présente tout d’abord comme la restitution des résultats d’une enquête de terrain menée auprès d’allocataires du RMI interrogés en Île-de-France dans les années 2000. L’auteur restitue le sens que ces individus donnent à la norme institutionnelle d’autonomie à laquelle ils sont soumis via la signature d’un « contrat d’insertion ». Comment les individus font-ils face à l’injonction à se raconter jusque dans leur intimité et à se réaliser dans leur « projet » personnel alors qu’ils sont souvent dépourvus de ressources ? Pourquoi et comment certains individus, mieux dotés que d’autres en capitaux économiques et culturels, peuvent-ils résister à l’incitation forte à rentrer dans les rangs du « précariat » ? Quelles marges de liberté les individus les plus vulnérables peuvent-ils conquérir ? En apportant des éléments de réponse à ces questions, cet ouvrage contribue à approfondir les logiques et les paradoxes de l’insertion des populations qui dépendent des services sociaux pour leur survie. Il constitue en cela une référence incontournable aussi bien pour la réflexion que l’action dans ce domaine.
Caractéristiques
Sommaire
Remerciements
INTRODUCTION
I. Ruptures et continuités dans la question sociale
Une rupture politique : la fin du consensus français sur la « solidarité »
Le renversement du sens du contrat d’insertion
II. La constitution d’un objet d’études
La norme d’autonomie dans l’histoire des sociétés modernes
L’élaboration d’une typologie
III. L’enquête
IV. Plan
PREMIÈRE PARTIE. — L’AUTONOMIE INTÉRIORISÉE
I. L’adhésion comme stratégie de distinction
La force des liens sociaux et le poids de l’habitus
La révérence envers l’attente institutionnelle d’autonomie
La mise à distance de l’assistance
II. La construction d’un récit de réhabilitation
De la déchéance à la réhabilitation
La dissimulation de la fragilité
III. L’inévitable dévalorisation
Début de l’installation et développement de l’ambivalence
Les stratégies de neutralisation du stigmate
Conclusion
DEUXIÈME PARTIE. — L’AUTONOMIE CONTRARIÉE
I. Devenir assisté
Le travail sur soi comme alternative au travail
L’acceptation du handicap
La reconnaissance de la dépendance
II. L’autonomie, fiction nécessaire de l’insertion
L’autonomie et son contraire
Les justifications de l’installation
Simulation et dissimulation
III. Une relation ambivalente avec les institutions
Le retournement du discrédit
La neutralisation du stigmate par le collectif
Conclusion
TROISIÈME PARTIE. — LE REFUS DE LA DEPENDANCE
I. L’assignation à une identité négative
L’intériorisation du stigmate
La méconnaissance instituée
Les communautés déviantes
La défiance envers les institutions
La réactivation de traumatismes antérieurs
II. Le retournement du stigmate
La critique d’une injonction paradoxale
Les refus ascétiques
Les refus mystiques
La distance ironique
Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
Le sens du contrat, entre légitimité et confiance,
Enjeux et portée de la rationalisation du social
ANNEXES
I. Le déroulement de l'enquête
II. Guide d'entretien
III. Liste des interviewés
Bibliographie
Autour de l'auteur
Nicolas Duvoux est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris Descartes, membre du Cerlis - Centre de recherche sur les liens sociaux (Paris Descartes / CNRS). Il est également rédacteur en chef du site « La vie des idées ». Il a coécrit La régulation des pauvres avec Serge Paugam (PUF, « Quadrige », 2008) et codirigé avec Isabelle Astier La société biographique : une injonction à vivre dignement (L’Harmattan, « Logiques sociales », 2006).