Résumé
Cet ouvrage couvre un ensemble de questions posées par le clonage, la décision d'arrêt et de limitation de traitement, l'euthanasie et le suicide assisté, la prise en charge des grands vieillards et des personnes handicapées, la procréation médicale assistée, les thérapies géniques germinales et somatiques. Son originalité est que la bioéthique est étudiée du point de vue de la philosophie politique. Les principes qui guident les pratiques médicales sont explicités et les dilemmes relatifs aux biotechnologies sont examinés en fonction des choix de société et des valeurs qui soutiennent nos institutions. Il s'agit d'évaluer les propositions de lois en se fondant sur la description des valeurs phares d'une communauté politique. L'objectif est de dépasser à la fois la bioéthique religieuse et l'éthique minimale. Ce travail passe par la déconstruction de l'éthique de l'autonomie qui subordonne la dignité à la possession de la raison, à la maîtrise de soi et à la compétitivité et colporte des représentations négatives de la vieillesse et du handicap qui s'opposent à l'idéal de solidarité affiché par certaines institutions. À cette éthique de l'autonomie s'oppose une éthique de la vulnérabilité inspirée par la philosophie de Levinas et par l'accompagnement des personnes en fin de vie et des malades atteints d'affections dégénératives du système nerveux. Cette réflexion sur les fondements de l'éthique et du droit conduit à reconfigurer les notions d'autonomie et de dignité et à enrichir l'anthropologie sous-jacente à la philosophie des droits de l'homme.
L'éthique de la vulnérabilité, qui repose sur la définition de la subjectivité comme sensibilité, ne supprime pas le sujet, mais elle invite à le penser à la lumière d'une triple expérience de l'altérité : l'altérité du corps propre ; l'altérité liée à l'autre homme et à ma responsabilité pour lui ; la déréliction qui ne renvoie pas seulement à la perte de soi et à l'aliénation, comme chez Heidegger, mais souligne l'importance des relations sociales. Solidaire de la dénonciation de certains traitements infligés aux animaux, cette éthique de la vulnérabilité peut inspirer le politique et promouvoir un humanisme où notre responsabilité s'étend aux vivants non humains et aux générations futures.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
PREMIÈRE PARTIE. — BIOÉTHIQUE ET PHILOSOPHIE POLITIQUE
Introduction générale
I. Reconfigurer l'autonomie
Les degrés de l'autonomie et la responsabilité médicale
Prudence et vertu en médecine : la réfutation du positivisme
Multiculturalisme et relativisme
II. Pratiques médicales, lois et choix de société
Le niveau téléologique du jugement médical. L'exemple de l'euthanasie
Le rôle des médecins et le rapport individu/société
La proportionnalité des soins. L'exemple des traumatisés crâniens
Amalgames
Du droit à l'intimité au droit de maîtriser sa (la) vie
III. La critique de la république procédurale
La priorité du juste sur le bien et le sujet désengagé
Droit et morale ou l'impossible neutralité de l'État
Engelhardt et l'éthique séculière sans contenu
L'institutionnalisation de la bioéthique et les comités de sages
IV. Justice distributive et solidarité
Les implications pratiques de la théorie de la justice de Rawls
L'absence de délibération dans les politiques publiques de santé
Justice distributive et utilité. Transplantation d'organes et pandémie grippale
Le vieillissement de la société et le lien intergénérationnel
V. Biotechnologies et condition humaine
Au-delà de la distinction entre thérapie et amélioration
Un enfant comme je veux
Vertus et rapport au non-choisi
L'humanité de l'homme et la dignité. L'exemple du sport
Le clonage et la sagesse de la répugnance
Ce que révèlent les arguments en faveur du clonage
Refus de l'échec et de l'insatisfaction. Le désespoir
Sujet total, sujet désespéré, sujet brisé
DEUXIÈME PARTIE. — ONTOLOGIE ET POLITIQUE
Introduction
I. L'éthique de la vulnérabilité
Responsabilité, substitution et proximité
La fin de vie et la critique de l'être-à-la-mort
Aux limites du soin. L'éthique de la caresse
Les affections dégénératives du système nerveux
L'être-au-monde comme précarité. La sclérose latérale amyotrophique
L'être l'un-avec-l'autre et la reconstruction de soi. La sclérose en plaques
La subjectivité comme sensibilité. La douleur et le vieillissement
Les représentations négatives de la vieillesse
II. Cogito brisé et monde public
Éthique et politique
L'espace public, le philosophe et la Cité
Hobbes et Heidegger
Transcendance et politique
III. L'animal, le plus autrui des autrui
L'antispécisme et l'égalité animale
L'élevage intensif, une aberration
Expérimentation animale et utilitarisme
Quels droits pour les animaux ?
L'inquiétude animale et la fin de l'exception humaine
Le végétarisme et la réalité des abattoirs
Zoologie privative et ontologie de la chair
Droits de l'homme et responsabilité : un autre humanisme
IV. Ontologie de la vie et pensée de la complexité
La signification en biologie
Plan et but
La culture animale et la coexistence des mondes
Le paradigme de la complexité
Le privilège de connaissance
Conclusion
Bibliographie
Glossaire des termes techniques et scientifiques
Index des noms
Autour de l'auteur
Corine Pelluchon, agrégée et docteur en philosophie, a enseigné l'éthique médicale à l'Université de Boston et est maître de conférences à l'Université de Poitiers. Elle a reçu le prix François Furet pour son ouvrage Leo Strauss : une autre raison, d'autres Lumières. Essai sur la crise de la rationalité contemporaine (Vrin, 2005) et a traduit de l'allemand La critique de la religion chez Hobbes de L. Strauss (Puf, 2005).