Résumé
« Le respect de l’autonomie individuelle est en médecine ce que les droits de l’homme sont dans la vie civile. Il permet de lutter contre toute forme de discrimination et d’exploitation des populations les plus vulnérables. Il garantit le respect de l’individu considéré comme une personne et une fin en soi, et non comme un simple moyen qui serait utilisé par un homme doté d’un pouvoir et d’un savoir supérieurs […]. Ces principes indiscutables sont une des assises de notre civilisation. Pourtant, on peut se demander si le principe d’autonomie, dont le succès sera solidaire, dans les années 1970 – au moment même où le mot “bioéthique” apparaît –, d’un mouvement général de contestation de l’autorité et d’érosion de la confiance, suffit à garantir le respect du malade. »
Cet ouvrage couvre un ensemble de questions posées par le clonage, la décision d’arrêt et de limitation de traitement, l’euthanasie et le suicide assisté, la prise en charge des grands vieillards et des personnes handicapées, la procréation médicale assistée, les thérapies géniques germinales et somatiques. Son originalité est que la bioéthique est étudiée du point de vue de la philosophie politique. L’objectif est de dépasser à la fois la bioéthique religieuse et l’éthique minimale. Ce travail passe par la déconstruction de l’éthique de l’autonomie qui subordonne la dignité à la possession de la raison, à la maîtrise de soi et à la compétitivité et colporte des représentations négatives de la vieillesse et du handicap qui s’opposent à l’idéal de solidarité affiché par certaines institutions. À cette éthique de l’autonomie s’oppose une éthique de la vulnérabilité inspirée par la philosophie de Levinas et par l’accompagnement des personnes en fin de vie et des malades atteints d’affections dégénératives du système nerveux. Solidaire de la dénonciation de certains traitements infligés aux animaux, cette éthique de la vulnérabilité peut inspirer le politique et promouvoir un humanisme où notre responsabilité s’étend aux vivants non humains et aux générations futures.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
PREMIÈRE PARTIE. — BIOÉTHIQUE ET PHILOSOPHIE POLITIQUE
I. Reconfigurer l’autonomie
Les degrés de l’autonomie et la responsabilité médicale - Prudence et vertu en médecine : la réfutation du positivisme - Multiculturalisme et relativisme
II. Pratiques médicales, lois et choix de société
Le niveau téléologique du jugement médical. L’exemple de l’euthanasie - Le rôle des médecins et le rapport individu/société - La proportionnalité des soins. L’exemple des traumatisés crâniens - Amalgames - Du droit à l’intimité au droit de maîtriser sa (la) vie
III. La critique de la république procédurale
La priorité du juste sur le bien et le sujet désengagé - Droit et morale ou l’impossible neutralité de l’État - Engelhardt et l’éthique séculière sans contenu - L’institutionnalisation de la bioéthique et les comités de sages
IV. Justice distributive et solidarité
Les implications pratiques de la théorie de la justice de Rawls - L’absence de délibération dans les politiques publiques de santé - Justice distributive et utilité. Transplantation d’organes et pandémie grippale - Le vieillissement de la société et le lien intergénérationnel
V. Biotechnologies et condition humaine
Au-delà de la distinction entre thérapie et amélioration - Un enfant comme je veux - Vertus et rapport au non-choisi - L’humanité de l’homme et la dignité. L’exemple du sport - Le clonage et la sagesse de la répugnance - Ce que révèlent les arguments en faveur du clonage - Refus de l’échec et de l’insatisfaction. Le désespoir - Sujet total, sujet désespéré, sujet brisé
DEUXIÈME PARTIE. — ONTOLOGIE ET POLITIQUE
I. L’éthique de la vulnérabilité
Responsabilité, substitution et proximité - La fin de vie et la critique de l’être-à-la-mort - Aux limites du soin. L’éthique de la caresse - Les affections dégénératives du système nerveux - L’être-au-monde comme précarité. La sclérose latérale amyotrophique - L’être l’un-avec-l’autre et la reconstruction de soi. La sclérose en plaques - La subjectivité comme sensibilité. La douleur et le vieillissement - Les représentations négatives de la vieillesse
II. Cogito brisé et monde public
Éthique et politique - L’espace public, le philosophe et la Cité - Hobbes et Heidegger - Transcendance et politique
III. L’animal, le plus autrui des autrui
L’antispécisme et l’égalité animale - L’élevage intensif, une aberration - Expérimentation animale et utilitarisme - Quels droits pour les animaux ? - L’inquiétude animale et la fin de l’exception humaine - Le végétarisme et la réalité des abattoirs - Zoologie privative et ontologie de la chair - Droits de l’homme et responsabilité : un autre humanisme
IV. Ontologie de la vie et pensée de la complexité
La signification en biologie - Plan et but - La culture animale et la coexistence des mondes - Le paradigme de la complexité - Le privilège de connaissance
Conclusion - Bibliographie - Glossaire des termes techniques et scientifiques - Index des noms
Autour de l'auteur
Professeur en philosophie pratique à l’université de Franche-Comté, spécialiste de philosophie politique et d’éthique appliquée, Corine Pelluchon est notamment l’auteur d’Éléments pour une éthique de la vulnérabilité. Les hommes, les animaux, la nature (Le Cerf, 2011. Grand prix Moron de l’Académie française 2012).