Résumé
Guerre mondiale, mort métallique, chimique, atomique ; déportations de populations entières, de la traite atlantique au Cambodge des Khmers Rouges ; famines organisées, instrumentalisées, de l’Irlande et des Indes britanniques à l’Ukraine stalinienne ; camps de concentration ou de travail, de l’enfer colonial du Congo belge ou de la guerre des Boers aux archipels du goulag communiste et aux camps nazis ; génocides arménien, juifs ou rwandais… : l’inconcevable a d’innombrables fois été conçu. Un constat s’impose : la violence de masse n’est ni le fait des seules sociétés contemporaines, ni le fait de régimes « fous », « totalitaires ». Elle fut pratiquée partout, de tous temps et parfois par de « parfaits gentlemen ».
Ce livre cherche à comprendre pourquoi. Il identifie trois ruptures historiques qui ont conduit à l’essor de la barbarie. La première est la construction de l’État dont les élites, pour le pouvoir, pour la richesse, usent de la guerre comme outil de domination. La seconde est constituée par le libéralisme, rupture dans la progression humaniste des idées. Il instaure la notion de concurrence et de compétition et ouvre la voie à la violence coloniale dans le giron de laquelle furent forgés les outils du massacre moderne. Le libéralisme laisse l’humanité orpheline de solidarité. Ces liens perdus allaient se reconstituer par des révolutions égalitaristes, dans la classe avec le rêve de transformation de la société, ou par la nation et la race, déchaînant au final la violence génocidaire nazie et la brutalité des communismes. La troisième est la religion « moderne », c’est-à-dire intolérante, identifiant le païen ou l’hérétique comme ennemi à abattre. Judaïsme, christianisme, islam, hindouisme et bouddhisme, aucune religion n’échappe à ce virage moderne.
Sont donc revisités ici quelques-uns des pires cauchemars de l’humanité, dont certains sont bien connus — Shoah, crimes du communisme stalinien, khmer rouge, chinois, bombardements massifs de Dresde et d’Hiroshima ou terrorisme islamiste — et d’autres, souvent à découvrir : crimes coloniaux britanniques aux Indes ou en Afrique du Sud, américains aux Philippines, belges au Congo, japonais dans le Pacifique, atrocités de la guerre de Trente ans ou des chevauchées médiévales, massacres ethniques dans l’Inde ou le Sri Lanka contemporains. L’auteur guide ainsi le lecteur, à travers un tableau souvent hallucinant, vers une compréhension de fond des mécanismes qui, au cours de cinq millénaires d’Histoire, ont mené l’humanité sur les chemins de l’horreur.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
PREMIÈRE PARTIE. — ÉTAT, COLONIALISME, LIBÉRALISME
Chapitre premier. L’État
L’État par la guerre
Guerre privée
Guerre et contrôle de la société
Chapitre II. Le profit : colonialisme, libéralisme et violence de masse contemporaine
Esclavage et mécanique coloniale
Le laboratoire colonial de la violence de masse moderne
Violence de masse et rupture libérale
DEUXIÈME PARTIE. — RUPTURE LIBÉRALE, RESSENTIMENT ET PEUR
Chapitre III. Ressentiment
La révolte des humiliés
Révolutions et contre-révolutions
Régimes révolutionnaires homicides
Chapitre IV. La peur
De l’Homme blanc à l’Aryen : les conditions théoriques de la violence
Les cristallisations brunes de la peur
La démocratie : nouveau discours de l’homme blanc
TROISIÈME PARTIE. — RELIGION
Chapitre V. Tolérances et intolérances
Monothéisme et « intolérance »
Guerre sainte et violence de masse
Ressentiment et violence religieuse
Chapitre VI. Universalisme de la violence religieuse
Judaïsme, protestantisme
Le syndrome d’Ayodhya
Mirage bouddhiste
Conclusion. — Ruptures
Bibliographie
Index
Autour de l'auteur
Thierry Camous est docteur en histoire ancienne de l’Université de Paris IV-Sorbonne et chercheur associé au CNRS, professeur agrégé à Nice et chargé de cours à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis. Son précédent ouvrage, Orients/Occidents, vingt-cinq siècles de guerres (PUF, 2007) a été traduit dans de nombreuses langues.