Résumé
Notre époque est celle de la crise : mais une crise n’est jamais que la phase critique atteinte par un processus de plus lointaine provenance. La crise contemporaine est ainsi révélation, à la fois de la dépendance de notre époque à l’endroit de l’histoire dont elle procède et de l’essence même de cette histoire : la pensée de la crise impose de la concevoir comme accomplissement d’un destin qu’il s’agit de mettre au jour.
La logique de ce destin est restituée à partir de Hegel, qui découvre dans l’histoire un processus de totalisation achevé dans la « totalité autonome » de l’État, régie par la terreur et la guerre. Cette figure de l’État correspond au concept de totalitarisme, qu’il importe alors d’étudier. Or ce que montre le nazisme, caractérisé par la désintégration de l’appareil d’État, c’est que le totalitarisme n’est pas forcément étatique : il existe un processus immanent de totalisation dont les régimes totalitaires ne furent que des phénomènes dérivés.
Ce processus est celui que Tocqueville a vu dans la massification des sociétés démocratiques. Il échoue à l’expliquer, le fondant en dernière instance sur la Providence divine, mais a cependant vu son lien avec la révolution industrielle. C’est Marx qui a pensé jusqu’au bout le processus de totalisation immanent au champ des pratiques, en découvrant dans le Capital la puissance de mobilisation et de massification caractéristique de la modernité : le capitalisme est en cela l’essence même du totalitarisme, et la mondialisation contemporaine n’est autre que la totalisation propre au Capital.
Le surmontement de la crise s’identifie dès lors au dépassement du capitalisme : mais si le capitalisme se définit par l’autonomisation du système des objets, alors l’automatisation propre au dispositif technique s’avère plus fondamentale encore que le capitalisme, et il faut avec Günther Anders parler d’un « totalitarisme technocratique », dont on peut craindre qu’il soit indépassable.
Reste alors à penser ce qui se dit dans une telle catastrophe.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction. PENSER AUJOURD’HUI. La philosophie, ou comment s’en sortir
1. Crise et philosophie
2. Discorde et Totalité
I. LA TOTALISATION. Hegel et la provenance métaphysique du totalitarisme
3. Tout, Universel et Totalité
4. Critique de la Totalité
5. Système et Totalité
6. Éthique et Totalité
7. La Totalité en tant qu’État
8. Logique de l’État
9. Métaphysique et totalitarisme
10. Approche des régimes totalitaires
II. LA MASSIFICATION. Tocqueville et le totalitarisme démocratique
11. Immanence de la souveraineté
12. La grande maladie démocratique
13. Masse et individu
14. La normalisation
15. Politiques de la démocratie
16. Obsolescence de la théodicée
17. L’esprit de négoce
III. L’APPAREILLEMENT. Marx et le totalitarisme capitaliste
Logique de l’argent
18. Échange et phénoménologie
19. Argent et puissance
20. Fétichisme et mysticisme
21. Métaphysique, travail et argent
B. Logique du Capital
22. La production de l’équivalence universelle
23. L’équivalence universelle des producteurs
24. La production de masse(s)
25. Ipséité de la valeur : le capital comme « sujet dominant »
26. L’autonomisation de l’objectivité
27. Appareillement de la communauté
28. Approche du totalitarisme capitaliste
IV. LA DISLOCATION. Marx critique de l’objectivisme scientifique
29. Le fondement pratique de la critique
30. La critique de l’utopie
31. Critique et économie
32. La méthode dialectique
33. La ritique de la dialectique
34. La critique des catégories
35. Critique et pathologie
36. Crise et critique
V. LA RÉAPPROPRIATION. Marx et l’eschatologie révolutionnaire
37. Crise et Révolution
38. Les présuppositions réelles de la Révolution
VI. APOCALYPSE. Günther Anders et le totalitarisme technologique
39. Le point critique
40. La pensée comme apocalyptique
Autour de l'auteur
Professeur agrégé et docteur en philosophie, Jean Vioulac est notamment l’auteur de L’époque de la technique (Puf, « Épiméthée », 2009).