Résumé
Une synthèse de l’histoire de l’Allemagne au XXe siècle, de la révolution de 1918 à la fin des années 1990, augmentée d’une bibliographie et de cartes au modèle des ouvrages de la collection. Les ouvrages abordant l’ensemble de cette période sont rares, d’où l’intérêt de cette synthèse historiographique d’un pays qui a été le théâtre d’une suite de bouleversements sans équivalent dans l’histoire des autres grandes nations du monde occidental. L’enjeu de cet ouvrage est de proposer une relecture de l’histoire allemande du siècle passé. Son évolution emblématique de la modernisation des sociétés européennes n’est pas exceptionnelle, et sa dimension la plus singulière, la période nazie, n’est que l’illustration des potentialités malignes de la modernité occidentale.
La difficulté pour l’historien réside dans une interprétation la moins schématique possible, qui ne se réduise pas à une narration événementielle, avec en particulier la place à réserver au nazisme dans la construction de l’analyse.
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Dans une optique historiographique, Jean Solchany esquisse une réflexion synthétique sur l’histoire de l’Allemagne au XXe siècle, période complexe par sa proximité dans le temps et son instabilité chronique. En effet, le XXe siècle, s’étendant de la révolution de 1918 aux années 1990, loin de présenter une unité périodique, offre plutôt une multiplicité de rebondissements ; durant ce siècle, l’Allemagne est devenue, selon l’expression de Jean Solchany, « le théâtre d’une succession de bouleversements sans équivalent dans l’histoire des autres grandes nations développées du monde occidental ». L’historien a su se garder des deux écueils majeurs de la narration événementielle et de l’exposé schématique de « grandes dates » qui auraient valeur de césures. Il analyse davantage ces moments en termes de « secousses », de « crises », d’« enjeux », de « temps forts » et de « controverses », conscient de la force des enjeux historiographiques et mémoriels qu’il manipule avec dextérité. Autre enjeu de taille pour l’historien, celui de l’hitlérisme, la parenthèse noire de l’histoire allemande, sujet sensible s’il en est, et la place qui lui revient dans la construction équilibrée de l’analyse. L’auteur réinterroge en effet la référence négative du Sonderweg allemand (ou exceptionnalité) par rapport aux autres voies occidentales menant de front les deux enjeux de « singularité » et de « normalité », relativement à la définition d’une identité nationale. L’auteur propose ainsi une reformulation plus nuancée de ce schéma interprétatif qui domine encore les discours médiatiques et politiques au service d’une interprétation manichéenne de l’histoire et s’élève contre la doxa qui consiste à faire de la crise démocratique weimarienne un phénomène spécifiquement allemand. Toutefois, cette réflexion en termes de « modernité » et de « normalité », si elle refuse la dichotomie « normalité occidentale »/« barbarie allemande », ne banalise en aucun cas ces années sombres. Jean Solchany a le mérite de refuser la position de héraut des lieux communs interprétatifs ou qui ont trait à l’histoire vécue sans avoir été préalablement passés au crible de l’analyse fine de cet « expert du passé » qu’est l’historien.
Caractéristiques
Sommaire
Orientation bibliographique -- Introduction
Les années weimariennes, le temps de l'ambivalence
I -- La première République allemande, radioscopie d'un échec : les trois moments de l'histoire weimarienne -- la profondeur des clivages idéologiques -- le diktat d'une croissance languissante
II -- Entre crise et modernité, le kaléidoscope weimarien : une société faussement immobile -- croire, créer, rêver, la force des imaginaires
Les années hitlériennes, le temps de la violence
III -- L'Allemagne nazie, une dictature tournée vers l'expansion : un chef charismatique, un pouvoir polycratique -- la démesure impérialiste -- la mobilisation de l'économie
IV -- La société allemande à l'ombre de la croix gammée : un pays nazifié ? -- les Allemands à l'heure hitlérienne -- de la modernité du nazisme, un débat sans cesse renaissant
V -- La violence nazie, répression, persécution, extermination : l'envers de la Volksgemeinschaft -- la guerre et la démultiplication de la violence -- l'extermination des Juifs d'Europe
Les années de l'après-guerre, le temps de la concurrence
VI -- De l'occupation à la division, les séismes de l'immédiat après-guerre
VII -- La RFA jusqu'en 1989, une démocratie placée sous le signe de la prospérité : Bonn n'est pas Weimar, l'exercice apaisé de la démocratie parlementaire -- la grande mutation des cultures politiques -- la révolution des taux de croissance -- vivre à l'heure de la société de consommation
VIII -- La RDA, une dictature entre fantasme de domination et gestion des contraintes : l'état des ouvriers et des paysans, quatre décennies de pouvoir communiste -- le socialisme réellement existant, quatre décennies de volontarisme inopérant
Epilogue : Une fin de siècle inattendue Cartes
Autour de l'auteur
Jean SOLCHANY est professeur à l'Institut des sciences politiques de Lyon