Résumé
Des faits-divers aux réformes pénales, le thème de la folie criminelle est aujourd’hui fortement médiatisé. L’ouvrage se propose de revenir sur son histoire et de saisir comment, au XIXe siècle, au moment où la psychiatrie prend son essor, la justice a discerné les fous des sains d’esprit, comment elle a appliqué l’article 64 du Code pénal sur l’irresponsabilité des déments et comment, au fil des enquêtes judiciaires et des procès, a pu émerger puis se conclure un « diagnostic judiciaire » d’aliénation mentale.
L’intense effort d’élaboration d’une doctrine de la responsabilité ne résout que très partiellement les multiples difficultés pratiques auxquelles se confronte l’exercice du droit de punir. Du côté de la psychiatrie, les propositions contradictoires et fluctuantes des experts posent autant de questions qu’elles n’en résolvent. Les conceptions neuves de la folie comme la monomanie homicide, véritable folie du crime qui surgit dans le corpus médical autour de 1817, les instincts, l’hérédité morbide ou la dégénérescence, forment en effet autant de limites problématiques à l’exercice de la volonté libre supposée diriger le sujet responsable. C’est alors la notion d’inconscient, non encore établie, qui travaille souterrainement la médecine mentale du premier XIXe siècle, faisant des salles d’audience un véritable laboratoire du sujet moderne.
Dans la lignée des travaux de Michel Foucault, mais aussi de Gladys Swain et Marcel Gauchet, la réflexion porte sur la place croissante de la psychiatrie en justice, et s’inscrit dans l’histoire de la naissance d’un sujet psychique.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
Chapitre premier. — « Psychologie juridique » : les fondements d’une justice subjective
La doctrine du code pénal : libre arbitre postulé et résistances à la subjectivation de la justice
L'examen moral du coupable
Chapitre II. — L’élaboration de l'article 64 du Code pénal
La codification de la démence
Le travail du droit
Chapitre III. — Droit et psychiatrie : « constituer la démence légale »
Abolition de la volonté, disparition de la conscience : une conception traditionnelle de la folie
Maladie mentale et pathologisation du crime
Les points de résistance : entre folie morale et délire du vice
Chapitre IV. — Mesurer l'incertitude
La statistique judiciaire
La pratique judiciaire
Zones d'ombre : non-lieux et affaires sans suite
Chapitre V. — Figures des fous criminels : les points de fixation de la pathologie
Proximité ou distance sociale ?
Imbecillitas sexus ? Femmes folles, hommes criminels
Faits et circonstances
Le comportement : fureur et déficience mentale
Chapitre VI. — Un examen de l'état mental ?
Le dossier d'instruction
L'acuité des investigations
Polyphonie judiciaire
Chapitre VII. — L'interrogatoire : à la recherche de l'élément moral du crime
Modalités d'interrogatoire
« Ceux que j'ai tués vivent encore » : aveu, stratégie de défense et discours sur soi
Chapitre VIII. — Les témoignages : cerner l'homme social
Modalités, fonctionnalités, objectifs
Dépositions : de la folie sociale à la folie morale
Stratégies et instrumentalisation
Chapitre IX. — L'expertise : « le récit des détails de sa vie »
Essor de l'expertise médico-légale
Contrôle des experts
Les savoirs des experts
Conclusion
Sources
Bibliographie
Index
Autour de l'auteur
Agrégée d’histoire et docteur en histoire contemporaine, Laurence Guignard est maîtresse de conférences à l’Université de Nancy II. Spécialiste de l’histoire de la criminalité et de la justice au XIXe siècle, son intérêt se porte également sur l’histoire du corps et des représentations du sujet.