Résumé
La philosophie consiste à donner un autre nom à ce qui a été longtemps cristallisé sous le nom de Dieu » : quel sort réserver à cet énoncé de Merleau-Ponty ?
Ces Leçons, qui se focalisent sur quelques désignations emblématiques de l’absolu dans la philosophie moderne, débutent avec le « non-autre » forgé par Nicolas de Cues dans le dernier de ses dialogues philosophiques. En interrogeant successivement la façon dont Descartes, Spinoza, Kant et Schelling ont redéfini l’absolu et les conséquences qu’ils en ont tirées pour la formulation de la question de Dieu, il s’agit de problématiser la notion du « tout autre », décliné de différentes manières dans les Miettes philosophiques de Kierkegaard, la théologie dialectique de Karl Barth, la phénoménologie du sacré de Rudolf Otto et, plus près de nous, chez Heidegger et Derrida.
En analysant quelques nœuds remarquables de l’arc historique qui relie ces deux désignations, il s’agit de mieux comprendre le projet de la théologie philosophique moderne et de donner une profondeur de champ historique aux débats contemporains relatifs à l’« onto-théologie », l’« idolâtrie conceptuelle » et les « théologies négatives ».
Caractéristiques
Sommaire
PREMIÈRE LEÇON : « DIEU » ET « L’ABSOLU » : L’ARC HÉRACLITÉEN EST-IL TOUJOURS BANDÉ ?
I. Nous autres « hypocrites » : l’arc héraclitéen
II. La structure formelle de la question de Dieu : une esquisse phénoménologique
III. Quelques particularités remarquables de la « question de Dieu »
IV. Les figures épochales de la question de Dieu
V. « Comment (le) Dieu vient-il dans la philosophie? » : une question aussi ambiguë qu’incontournable
VI. Deux questions conclusives
DEUXIÈME LEÇON : « NON-ALIUD » OU : L’UN N’EXCLUT PAS LES AUTRES (NICOLAS DE CUES)
I. Maximitas absoluta : la « docte ignorance » de l’absolu
II. De quaerendo Deum : de la bonne façon de chercher Dieu
III. « Le voir absolu » : Nicolas de Cues comme interlocuteur potentiel des phénoménologues
IV. L’impénétrabilité divine : le Dieu caché
V. La philosophie au service du dialogue interreligieux : De pace fidei
VI. Le Non-autre des autres : De Non-Aliud
TROISIÈME LEÇON : « CAUSA SUI » : DE DESCARTES À SPINOZA
I. La légitimité philosophique des temps modernes
II. « Puissance incompréhensible » : comment Dieu vient-il à l’idée de Descartes ?
III. Le « géomètre de l’Absolu » et l’amour intellectuel de Dieu (Spinoza)
QUATRIÈME LEÇON : L’IDÉAL TRANSCENDANTAL ET LE SOUVERAIN BIEN (KANT)
I. De l’Absolu à l’Inconditionné
II. La théologie philosophique de la période précritique
III. Les intérêts de la raison et la question de Dieu : le tournant critique
CINQUIÈME LEÇON : LE « SEIGNEUR DE L’ÊTRE » ET L’HISTORICITÉ DE L’ABSOLU
I. « Absolu », « Système », « Intuition intellectuelle » : trois mots de passe
II. L’Absolu et Dieu
III. Le « Seigneur de l’être » : la théologie sous les espèces de la théogonie transcendantale
SIXIÈME LEÇON : ALIUD TOTALITER : SUR LES TRACES DU « TOUT AUTRE »
I. Le « Dieu étranger » (Marcion) : un souvenir dangereux
II. Le « Différent absolu » : de Kierkegaard à Karl Barth
III. « Tremendum fascinosum »: l’expérience du numineux et le « Tout autre » (Rudolf Otto)
IV. Le « tout autre chant de l’estre » et le passage du « dernier Dieu » (Heidegger)
V. « Tout autre est tout autre » (Jacques Derrida)
Autour de l'auteur
Jean Greisch a enseigné à la Faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris, dont il fut doyen de 1985 à 1994. Enseignant-chercheur attaché au CNRS (Archives Husserl), il est titulaire de la chaire Romano Guardini à l’université Humboldt de Berlin.