Résumé
Célibat perçu comme toxique, violences sexuelles et sexistes tues par l’Église, mais aussi refus d’ordination des femmes, luttes politiques contre toute reconnaissance de la conjugalité et de la parentalité homosexuelles… Autant de raisons de remettre en cause la figure du prêtre catholique au sein de sociétés occidentales largement sécularisées. Cet homme qui porte la robe, fait le serment de renoncer à toute sexualité mais donne l’impression de dicter celle des autres, est-il un homme comme les autres ?
Dans un contexte marqué par la perte d’emprise de l’Église et par l’émergence de la « démocratie sexuelle », Josselin Tricou analyse la trajectoire sociohistorique de cette forme de masculinité. Il montre les efforts de l’appareil catholique pour contrer sa disqualification tout en perpétuant un ensemble de normes faisant du mariage hétérosexuel une institution naturelle. Or, plus l’Église refuse l’idéal d’égalité entre les sexes et les sexualités, plus elle prend le risque d’attirer l’attention sur la sexualité et le genre si particuliers du prêtre.
Caractéristiques
Sommaire
Préface. — Le genre ecclésiastique, par Éric Fassin
Introduction
L’embarras du pape
Enquêter sur le genre
en pleine campagne anti-genre
Explorer un « monde ».
Une enquête « par combinatoire »
L’aveuglante évidence du masculin sacerdotal
Le catholicisme, un « bougé » du genre
Les masculinities studies,
un genre d’études né de la « côte d’Ève »
La masculinité sacerdotale,
une masculinité non hégémonique ?
De la masculinité des prêtres
aux politiques de la masculinité
Le « genre » des prêtres…
… un questionnement situé
PARTIE I
Une « émasculation » symbolique du clergé ?
1. — Une altérisation du corps sacerdotal
dans les représentations populaires contemporaines
1945-1964 : le prêtre virilisé
1964-1984 : le prêtre soupçonné
quant à son identité sociosexuelle
1984-2014 : entre tentative de revalorisation
et déclassement de la masculinité sacerdotale ?
Des représentations sociales à la réalité ecclésiale…
2. — Crainte du déclassement
et trouble dans le placard ecclésial
Valorisation tardive de la culture hétérosexuelle
au sein de l’Église et perte de prestige
du sacerdoce
Les mécanismes du placard ecclésial :
préférences sexuelles et parcours vocationnels
Vivre dans le placard ecclésial
De la vie dans le placard ecclésial
à sa nécessaire réactivation…
3. — Mobiliser les laïc·que·s contre « la théorie-du-genre », refaire des « taupes » parmi les prêtres
Un placard en crise
Un placard à refermer,
en réactivant la contrainte de publicité
La mise en crise d’un régime local de genre discret
et la silenciation d’une politique de la masculinité
dans les ordres religieux anciens
Du paradoxe de vouloir faire taire en parlant…
PARTIE II
Réaffirmer la masculinité cléricale
4. — Fabriquer des vrais prêtres, mais virils
La construction des figures des prêtres « progros »
et « intellos » comme repoussoirs
Un déni de l’homosexualité potentielle
de ses recrues
Une politique de visibilité viriliste ad extra
Un dispositif pédagogique enveloppant ad intra
User de l’affirmation viriliste
au risque de son retournement…
5. — Devenir des experts ès masculinité
Les communautés charismatiques, un monde concurrentiel au tropisme étatsunien
Redifférencier les sexes pour endiguer les récentes mutations du genre
Intriquer prosélytisme de genre et prosélytisme religieux
S’allier les laïcs hommes pour maintenir le rendement de la masculinité des clercs
6. — Maintenir sa notabilité par l’appropriation
d’un discours managérial et l’affirmation
de son autorité politique
Les prêtres diocésains, une mise en scène numérique de soi paradoxale au sein de la cathosphère
Le Padreblog, une tentative de virilisation
de la mise en scène du prêtre sur Internet
Les padreblogueurs, une « masculinité complice » d’une bourgeoisie conservatrice et néolibérale
Retrouver une notabilité perdue…
Conclusion
Genre et sexualité, masculinité et homosexualité
Intolérance homophobe et tolérance
pour les violences sexuelles et sexistes
La dimension nationale et raciale
de la lutte pour la masculinité sacerdotale
Épilogue. — Le catholicisme français et son clergé
face à la « vague #MeToo » :
le déni d’oppression continuera-t-il longtemps ?
Table des figures et tableaux
Autour de l'auteur
Josselin Tricou est docteur en science politique et études de genre de l’université Paris 8. Il a participé aux recherches de l’Inserm pour le compte de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église. Il est maître-assistant en sociologie des religions et des nouvelles spiritualités à l’université de Lausanne en Suisse.
Préface d’Éric Fassin