Résumé
Nous plaçons naturellement l’autonomie au cœur de toute morale, tant nous avons tendance à valoriser, dans la tradition de cette « invention » kantienne, l’indépendance du sujet à l’égard de tout lien social et de tout intérêt particulier.
Mais cette priorité de l’autonomie est aujourd’hui contestée ; contre la célébration d’un individualisme à la limite de l’égoïsme, contre l’illusion d’un sujet impartial ou souverain, contre enfin la surdité philosophique aux exigences, aux contingences et à la singularité de nos relations à autrui, se font entendre depuis quelques années toutes sortes de voix nouvelles : communautarismes, féminismes, politiques de l’identité, théories de la reconnaissance, éthiques de la vertu et du care.
Le présent volume est la première présentation exhaustive de ces critiques dans leur diversité et leur radicalité. Il veut illustrer aussi, plus positivement, la possibilité de ce que Axel Honneth appelle une « autonomie décentrée », qui éviterait et renverserait à la fois l’aliénation et le conformisme, sans requérir d’indépendance substantielle.
Une telle réflexion nous fournit des raisons de modifier le lieu du jugement moral — avec ses propriétés de rationalité, d’impartialité, de neutralité — et de contester son autorité exclusive sur la vie éthique, afin redonner toute sa place au singulier, et à l’attention à autrui, dans l’autonomie.
Caractéristiques
Sommaire
Présentation
Première partie. — Genèse et attribution de l'autonomie
Du désir à la reconnaissance. La fondation hégélienne de la conscience de soi, par Axel Honneth
Folie et responsabilité (Contrepoint philosophique à Moi, Pierre Rivière…), par Pierre-Henri Castel
L'autonomie à la lumière de la faiblesse de la volonté, par Julie Mazaleigue
« Vivre sa propre vie comme une vie étrangère » : l'auto-aliénation comme obstacle à l'autonomie, par Rahel Jaeggi
Socialité, assujettissement et subjectivité : la construction performative de soi selon Judith Butler, par Bruno Ambroise
« Je suis autonome ». Adhérer à une « secte », est-ce perdre son autonomie ?, par Arnaud Esquerre
Deuxième partie. — Autonomie et individualismes : contre-épreuves sociales et politiques
L'impératif d'autonomie… et ses conditions sociales de production, par Bertrand Geay
Autonomie individuelle et moi social, par John Christman
Amour et autonomie : à propos des Raisons de l'amour de Harry Frankfurt, par Solange Chavel
L'autonomie n'est pas un problème d'environnement, ou pourquoi il ne faut pas confondre interlocution et institution, par Alain Ehrenberg
Un singulier recours à l'individu… (L'« individualisme » spécifique des éducateurs spécialisés), par Romuald Bodin
Modèles du social et modèles de l'autonomie, par Emmanuel Renault
L'autonomie sociale comme forme d'action. Le paradigme du travail, par Stéphane Haber
Entre inégalités individuelles et coopération collective : la question de l'autorité, par Christophe Dejours
Troisième partie. — Vulnérabilités de l'autonomie : questions de philosophie morale
Les limites de l'expression de soi chez Harry Frankfurt : une lecture de La vie des autres, par Marlène Jouan
La construction de l'autonomie du sujet moral dans la Théorie des sentiments moraux, par Claude Gautier
Autonomie et moralité à la lumière des approches naturalistes : la fin de l'autonomie rationnelle ?, par Jérôme Ravat
Les désagréments du proche et les tentations de l'autonomie. Réflexions sur la fatigue d'être avec des gens insupportables, par Marc Breveglieri
La femme autonome et l'homme galant. Intransigeances du respect et acrobaties de l'égard dans la civilité urbaine, par Carole Gayet-Viaud
L'autonomie et le souci du particulier, par Sandra Laugier
Vulnérabilité et dépendance : de la maltraitance en régime de gestion hospitalière, par Pascale Molinier
Autour de l'auteur
– Marlène Jouan est l’auteur de plusieurs travaux sur l’éthique et la psychologie morale. Elle enseigne la philosophie à l’Université de Picardie - Jules Verne.
– Auteur de nombreux ouvrages sur la philosophie contemporaine et spécialiste de la philosophie morale anglo-saxonne, Sandra Laugier est professeur à l’Université de Picardie.