Résumé
Comment penser la mort, et surtout avant cela, la fin de fin ? Comment, au-delà de l’énigme de la mort, penser les conditions du mourir ? Et comment « vivre le mourir » ? Aujourd’hui, les opportunités de s’interroger ne manquent pas.
Que l’on songe au débat autour de l’affaire « Vincent Lambert ». Tant de voix discordantes ont résonné en cette occasion qu’il a semble nécessaire, dans ce numéro, de faire le point sur les avancées de la loi Leonetti et sur ses limites, en s’appuyant sur les formidables progrès médicaux qui permettent d’améliorer les pronostics vitaux. A l’inverse, du point de vue éthique, les soins palliatifs ne sont-ils pas arrivés à une étape de leur développement où la question de leurs limites est clairement posée. Jusqu’où traiter ? Jusqu’où soigner ?
La question du « vivre le mourir » va néanmoins bien au-delà. Notre manière de penser le « mourir » est en effet liée à la violence à la fois ordinaire et extraordinaire dont nous sommes les témoins ou que nous tentons de refouler. Pensons à la mort « provoquée », c’est-à-dire les crimes, mais aussi les suicides. Les deux ne peuvent être mis sur le même plan, mais force est de constater que certains suicides entraînent la mort de plusieurs victimes, et qu’il y a un lien, qu’il s’agit d’examiner, entre le suicide et l’envie.
Enfin, la mise à mort de milliards d’êtres sensibles tués chaque année pour leur chair doit être interrogée quelles que soient les conséquences qu’il en tire dans sa vie quotidienne et ses choix de consommation. Comment vivre avec cette violence ordinaire ? Quelles répercussions a-t-elle sur le psychisme des humains qui, la plupart du temps, mettent en place des stratégies de défense comme le déni, le clivage ou la dissonance cognitive ?
Ce sont toutes ces questions auxquelles ce numéro de Cités a chercher à répondre, sans prétendre à l’exhaustivité ni défendre un point de vue univoque. Gageons toutefois qu’il dégage les pistes d’une réflexion qui permettra d’envisager toutes ces questions avec clarté et raison.
Caractéristiques
Sommaire
Éditorial :
Yves Charles Zarka, La violence religieuse
I – DOSSIER : FIN DE VIE ET ÉTHIQUE DU SOIN
Corine Pelluchon, Présentation
Corine Pelluchon, Comment délibérer sur la fin de vie et l’aide active à mourir ?
Louis Puybasset, entretien avec Corine Pelluchon, Les décisions d’arrêt et de limitation de traitements
Tanguy Châtel, La mort moderne : « tabous » et représentations
Jacques Ricot, Histoire et éthique des soins palliatifs
Isabelle Dhonte, La mort n’est pas la seule fin de vie
Amal Hachet Approche psychanalytique de l’acte meurtrier
Fabrice Wilhelm, Le suicide envieux
Hicham-Stéphane Afeissa, Le déni de la mise à mort des animaux
II – VIE POLITIQUE : SITUATION DE LA FRANCE
Yves Charles Zarka, Après le traumatisme, la réflexion sur soi en France
Otto Pfersmann, Sur l’état d’urgence et la déchéance de nationalité
Jean-Claude Milner, Janvier et novembre 2015 : en quoi la France était dans un état d’exception ?
Hélène L’Heuillet, Radicalisation et terrorisme
Christian Godin, Le syndrome de Viridiana : le viol des femmes à Cologne et ailleurs
III – VIE INTELLECTUELLE
Christian Godin, Dévoiements intellectuels : Rony Brauman, Tzvetan Todorov, Giorgio Agamben
IV – VARIA
Romain Roszak, Michel Clouscard, critique de Lévi-Strauss
Anna Caterina Dalmasso, L’avance de l’avenir. De l’image du temps après l’événement du 11 Septembre
V – RECENSIONS
Neta C. Crawford, Accountability for Killing : Moral Responsibility for Collateral Damage in America’s Post-9/11 Wars, New York, Oxford University Press, 2013, par Benoît Olié
Judith Schlanger, Le Neuf, le différent et le déjà-là. Une exploration de l’influence, Paris, Hermann, 2014, par Marie-Anne Lescourret
Autour de l'auteur
Numéro dirigé par Corinne Pelluchon, professeure de Philosophie à l'université de Franche-Comté