Résumé
Notre société connaît une mutation vertigineuse des modes de communication : chacun peut contacter chacun à tout instant et attend en retour une réponse immédiate. Un immense réseau nous mobilise, qui crée une dépendance grandissante en matière de « connexion », encourageant une posture de zapping qui génère une attention multifocale, mais aussi une tension nerveuse, elle-même source de déficit attentionnel. Destruction de l’écologie de l’attention (Stiegler) ou plasticité créatrice (Lévy) ?
Porter son attention sur l’attention, voilà l’urgence de notre humanisation contemporaine. Les sciences l’ont compris, qui depuis plus d’un siècle multiplient les travaux en psychologie et en neurosciences sur cette fonction globale, qui forme un réseau intégré transversal où jouent perception, mémoire, veille, émotion et décision. Quel rôle peut y jouer la phénoménologie ? Comparée aux autres approches philosophiques, elle possède ce privilège de tenir en un regard ouvert sur le monde : par son retour à l’expérience, elle fait alliance avec la visée expérimentale des sciences et, par sa méthode de suspension, elle entre en contact avec une quête contemplative qui est prise de recul. Elle joue ainsi un rôle charnière pour repenser l’attention en en faisant une expérience d’ouverture au monde davantage qu’un état mental interne. La phénoménologie apporte quelque chose d’inédit : une éthique de l’attention, qui réforme celle-ci en « vigilance ».
Caractéristiques
Sommaire
Introduction
Avant-propos
Le problème de la vigilance
Méta-phénoménologie de l’attention
Première Section. Gestes de l’attention : la vigilance en ébauche
I. Des gestes naturels : s’occuper, somnoler, s’ennuyer, vagabonder
II. Se concentrer : un geste antinaturel ?
III. Suspendre l'attention contre nature, un geste phénoménologique ?
IV. Le double langage de l’attention
V. La gestuelle indexicale et performative : un langage « monstratif »
VI. Inscrire son vécu en discours : quels régimes attentionnels ?
Deuxième Section. Modulation : l’attention-vigilance comme augmentation d’être
I. La mutation qui affecte la conscience intentionnelle
II. Du mécanisme primaire et ramifié de la conscience sans produit spécifique à la conversion définitive de l’attention à la vigilance
III. L’attention, le modulateur « transcendantal » de la conscience ?
Troisième Section. Cécité inattentionnelle et synthèse passive : l’attention-vigilance comme processus d’ouverture
Introduction : le préfixe « pré- » en question
I. Prise de conscience/devenir-attentif : le processus d’ouverture
II. Temporalisation du processus d’ouverture à l’attention-vigilance
III. L’émotion au cœur du processus d’ouverture à la vigilance
IV. Typologie modale du devenir-attentif : non-attention, hyperattention
Quatrième Section. De la division au partage : l’attention-vigilance comme croissance en première personne
I. L’ambivalence de l’attention divisée : entre paralysie et croissance
II. Scissions du sujet réductif et croissance générative de l’attention
III. Double nature de l’attention et croissance « méta »-attentionnelle
Cinquième Section. Attention conjointe intersubjective et vigilance éthique relationnelle en deuxième personne
I. À l’ombre de l’attention conjointe : l’hypothèse de l« ’interattention »
II. À la lumière de l’attention conjointe : l’intersubjectivité, vécu intercorporel
III. Valider l’attention conjointe : deuxième personne, ouverture empathique
IV. L’éthique relationnelle de l’attention partagée : l’attention à l’attention
V. Épistémologie de l’attention : l’autotranscendance des secondes personnes
Conclusion
Index des noms
Index des matières
Autour de l'auteur
Natalie Depraz est professeur de philosophie contemporaine et de philosophie allemande à l’université de Rouen, membre universitaire des Archives Husserl (ENS/CNRS), où elle dirige l’ANR Emphine-Emco intitulée « La surprise au sein de la spontanéité des émotions : un vecteur de cognition élargie ».