Résumé
Le projet de retrouver l’unité de la philosophie de Bergson ne pouvait être mené à bien que depuis la méthode qui en avait à proprement parler fait une œuvre. L’erreur fut de ne pas prendre en considération le statut profondément réformé de la métaphysique qu’il instaure et qui procède au retournement de la métaphysique traditionnelle : non plus se fonder sur un premier principe, mais se fondre dans l’expérience immédiate, c’est-à-dire descendre en soi-même, livre après livre, vers des couches de plus en plus profondes de la durée concrète. L’œuvre entière doit se comprendre à rebours, en sorte que chaque livre fournit les bases au livre précédent au lieu de le supposer, l’intègre dans un cadre plus large et profond — sorte d’essais concentriques où le dernier livre englobe les précédents. Il s’agit en un sens d’une archéologie, mais comprise dans les limites indéfiniment reculées de l’intuition, Bergson n’atteignant que dans son dernier livre, le véritable principe agissant.
Il est dès lors possible de reprendre le mouvement unique qui traverse l’œuvre. En l’étayant des notes et des cours inédits de Bergson, nous pouvions montrer comment chaque livre doit se prolonger dans le suivant en gravitant à chaque fois autour d’un problème précis : la liberté, l’union de l’âme et du corps, la causalité, la volonté enfin. S’enfonçant dans des couches de durée de plus en plus profondes, Bergson ne fait en vérité qu’approfondir un unique problème, celui de la personne qui est pour la première fois pensée comme temps, chaque livre privilégiant l’une de ses dimensions : le présent (Essai sur les données immédiates de la conscience), le passé (Matière et mémoire), l’avenir (L’Évolution créatrice), l’éternité (Les Deux Sources de la morale et de la religion). C’est l’œuvre entière qui s’avère être un corpus sur le temps.
Caractéristiques
Sommaire
Introduction. — Vers l'unité de l'œuvre
PREMIÈRE PARTIE. — LE TEMPS DE LA MÉTHODE : MÉTHODE ET MÉTAPHYSIQUE
Chapitre premier. Fonder ou fondre : le fond de la métaphysique
Le roc cartésien et l'océan bergsonien
Pour une métaphysique sans philosophie première
Chapitre II. Intuition et méthode
De la lumière à l'obscurité — et retour
Bergson « à la recherche du temps perdu »
Chapitre III. La nouvelle alliance : la philosophie face à l'éclatement des sciences
SECONDE PARTIE. — LE TEMPS DE LA MÉTAPHYSIQUE : TEMPS ET PERSONNE
Chapitre IV. L'Essai sur les données immédiates de la conscience et le primat du présent
Chapitre V. Matière et mémoire et le primat du passé
Chapitre VI. L´évolution créatrice et le primat de l´avenir
Chapitre VII. Les deux sources de la morale et de la religion et le primat de l´éternité
Conclusion. — Le problème de la personnalité : la personne dans tous ses états
L'unité multiple de la personne
La personne contre le sujet. Les éléments temporels du moi
« Il est fatigant d'être une personne » : le moi à l'épreuve de la folie
Index des noms
Autour de l'auteur
Né en 1974, agrégé et docteur en philosophie, Camille Riquier a enseigné à l’Université de Paris IV-Sorbonne et bénéficie actuellement d’un post-doc à l’Université de Lille III. Il a réalisé l’édition critique de Matière et mémoire (PUF, 2008).