En libraire
Géopolitique des mers
Maxence Brischoux
L’être humain, animal terrestre, a progressivement conquis et maîtrisé les mers, pour en faire le canal principal des échanges culturels et commerciaux. Les mers sont aussi le théâtre de la rivalité des grandes puissances, notamment dans l’espace indopacifique. Enfin, elles concentrent bon nombre des enjeux écologiques de notre siècle, entre surpêche et dérèglement des écosystèmes.
Malgré cette tendance à l’appropriation et à l’exploitation par les êtres humains, les mers demeurent un « territoire » exceptionnel du point de vue politique, du fait qu’elles n’appartiennent pas aux États et échappent pour une large part à l’application des concepts traditionnels de souveraineté et de frontière. En conséquence, le gouvernement des mers pose des questions politiques fondamentales. Si les mers constituent un patrimoine commun de l’humanité, peut-être que cette dernière doit inventer de nouvelles formes de gouvernement pour protéger cette « autre partie du monde ».
L'avenir confisqué
Nicolas Duvoux
Croisant réflexion spéculative et enquêtes sur le bas, le milieu et le haut de la société, Nicolas Duvoux montre comment le sentiment de l’avenir constitue un indicateur précieux, et irremplaçable, de la position sociale. La capacité subjective à se projeter positivement dans l’avenir constitue une clé de lecture de la société au double sens où elle permet de décrire la hiérarchie sociale mais aussi de rendre compte des relations inégalitaires qui s’y nouent et de leur reproduction. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne face à la crise de l’avenir. Les plus dotés sont aussi les mieux à même de maîtriser l’avenir, individuel et collectif, ce qui entraîne anxiété et peur du déclassement au sein des classes moyennes, dépossession et insécurité radicale en bas de l’échelle sociale.
Sans renier la recherche d’objectivité scientifique mais au contraire en en raffinant les instruments, Nicolas Duvoux démontre comment la subjectivité peut servir de révélateur aux inégalités, notamment de classe sociale. Il fait ressortir l’importance du patrimoine économique à partir de la sécurité que sa possession procure – et de l’insécurité sociale endémique dans laquelle son absence plonge. Prenant appui sur des travaux en philosophie, en psychologie ou en épidémiologie, il déploie une manière d’appréhender le monde social qui articule, sans les opposer, le présent, le passé mais aussi l’avenir tel que l’on se le projette, l’objectif et le subjectif, l’individuel et le collectif. Ce livre porte ainsi un regard sociologique sur le monde qui restitue l’épaisseur vécue de l’existence pour mieux penser les asymétries et formes de domination sociale, et il vise par là à réintégrer la sociologie dans un projet scientifique plus global..
Qui a peur de la deconstruction
Sous la direction d'Isabelle Alfandary Anne-Emmanuelle Berger Jacob Rogozinski
Un spectre hante l’Université française : celui de la déconstruction. Créé par Jacques Derrida à la fin des années 1960, ce concept est devenu, dans l’esprit des réactionnaires de tout poil, le mot-valise désignant tout ce qu’ils haïssent dans la pensée, lorsque celle-ci cherche à émanciper davantage qu’à ordonner. Dégénérescence de la culture, mépris pour les grandes œuvres, délire interprétatif, amphigouri linguistique, danger politique, confusion sexuelle, licence morale : à en croire les ennemis de la déconstruction, tout ce qui va mal dans le monde lui est imputable. Que signifie la fixation frénétique d’une frange d’intellectuels sur tout ce qui peut ressembler à une pensée différente, inventive et fondamentalement démocratique ? Que cela signifie-t-il, si ce n’est la volonté de policer la pensée et ses institutions, pour mieux, ensuite, policer les corps ? Telle est l’interrogation qui a présidé au colloque « Qui a peur de la déconstruction ? », qui s’est tenu à l’École normale supérieure et à la Sorbonne en janvier 2023. En voici les actes.
En libraire le 6 septembre 2023
Dictionnaire critique de l'Église
Dominique Iogna-Prat, Alain Rauwel, Frédéric Gabriel
L’Église ? Mais quelle Église ? C’est pour examiner la polysémie d’une notion pleine d’ambiguïtés qu’a été conçu ce Dictionnaire critique de l’Église. Il se veut un outil d’analyse des communautés ecclésiales comme espaces de réflexion sur les fondements du social. Organisé autour de quelque quatre-vingts concepts propres au christianisme autant qu’empruntés aux sciences sociales, il propose d’aborder les « questions d’Église » sous la forme de véritables essais. La plupart des entrées ont été rédigées à plusieurs mains, afin de faire entendre une grande diversité d’approches, dans le temps et l’espace aussi bien que dans les méthodes. Les concepteurs de l’ouvrage ont ainsi recherché l’équilibre entre un état des questions distancié et un point de vue critique assumé, loin de toute revendication confessionnelle, mais en tenant compte des tiraillements polémiques entre différentes traditions. Ce faisant, ils se situent dans une veine bien identifiée : celle des sciences sociales du religieux à la française, telles qu’elles se sont développées depuis la fin du xixe siècle et dont l’adjectif « critique » résume l’objectif. La bibliographie raisonnée qui clôt l’ouvrage permet au lecteur de poursuivre à son aise sur ce chemin critique.
Infocratie
Byung-Chul Han
Le tsunami d’informations déclenché par la numérisation menace de nous submerger dans une mer de communication frénétique qui perturbe de nombreuses sphères de la vie sociale, y compris la politique. Les campagnes électorales sont maintenant menées comme des guerres d’information, et la démocratie dégénère en infocratie. Dans son nouveau livre, Byung-Chul Han soutient que l’infocratie est la règle dans le capitalisme d’information contemporain. Alors que le capitalisme industriel a fonctionné avec la contrainte et la répression, ce nouveau régime d’information exploite la liberté au lieu de la réprimer. La surveillance et la punition font place à la motivation et à l’optimisation : nous imaginons que nous sommes libres, mais nos vies entières sont enregistrées afin que notre comportement puisse être contrôlé psychopolitiquement. Sous le régime néolibéral de l’information, les mécanismes du pouvoir fonctionnent non pas parce que les gens sont conscients de la surveillance constante, mais parce qu’ils se pensent libres.
L'invention du rose
Pierre-William Fregonese
Le rose est un balcon sur le temps présent, une couleur mobilisant aujourd’hui une constellation d’acceptions qui se bousculent au gré des actualités, des individus, des régions du monde et des idéologies. Car nous employons un mot similaire pour qualifier différentes réalités, certaines opposées, d’autres complémentaires. À l’issue d’une promenade à travers siècles et civilisations, on voit que le rose contemporain, désormais global et mondial, devenu un intermédiaire consensuel entre le rouge historique et le transgressif violet, est un étendard de la modernité autant que l’un de ses stigmates. Transferts culturels, orientalisme ou encore soft power sont autant de clefs de lecture d’une couleur à l’intersection de l’histoire culturelle, des relations internationales… et des études japonaises. Car cette enquête sur plusieurs rivages et plusieurs époques a bien pour objet de saisir la spécificité d’une couleur qui cannibalise la période actuelle et qui prend la teinte des sakura nippons. Mais cette couleur existe-t-elle réellement ou n’est-elle qu’une chimère que nos esprits ont formée, gisant dans nos réminiscences et l’espoir d’un monde renouvelé ?
Napoléon et l'empire des Lettres
Maximilien Novak
Après les déchirements fratricides de la Révolution française et une fois le pays mobilisé autour d’un élan vainqueur en Europe, il était temps, pour Napoléon, de reprendre le contrôle de l’opinion publique dans le cadre d’un vaste projet de fusion des élites, qui réunirait anciens révolutionnaires et royalistes revenus d’exil. Reprendre le fil d’un grand récit national traduit ainsi une forte volonté de réconciliation sociale de l’empereur, portée par des hommes de sensibilité différente mais rassemblés au sein d’une administration œuvrant à l’édification politique et législative de la France. Le mot d’ordre ? Modération. C’est au reste pourquoi cette administration est caractérisée par la relative uniformité des opinions qui trouvent à s’exprimer dans la presse, la censure, l’écriture historique, ou encore les institutions de savoir et d’enseignement. L’Empire des Lettres venait conforter et légitimer le Premier Empire.
24 heures de la vie d'Elisabeth II
Julie Robert
24 novembre 1992 : lors du banquet donné au Guildhall de Londres en l’honneur de ses 40 ans de règne, Elizabeth II se lève et prend la parole d’une voix légèrement cassée. Ce qu’elle va déclarer, avec une pointe d’humour mais non sans émotion, entre dans l’Histoire : « 1992 n’est pas une année dont je me souviendrai avec un plaisir inaltéré (…) Elle s’est avérée être une annus horribilis. J’imagine que je ne suis pas la seule à le penser. » Pour la première fois, la souveraine sort de sa réserve et fait une entorse à son célèbre principe « never complain, never explain ». La légende voudrait que cette devise soit née un siècle plus tôt de la bouche de son ancêtre la reine Victoria. Fait historique ou fantasme, c’est une règle à laquelle Elizabeth II est toujours restée fidèle. Jusqu’à ce discours de 1992.
Il faut avouer que cette année-là, la couronne a dangereusement vacillé : les déboires conjugaux du prince Charles et de Diana en Une des tabloïds, les divorces du prince Andrew puis de la princesse Anne, l’incendie du château de Windsor, les polémiques autour des revenus de la famille royale… L’institution monarchique est attaquée. Tout comme la reine. Jusque-là, elle avait tout surmonté : la Seconde Guerre mondiale, le décès de son père le roi George VI, le poids de la charge royale, la défiance de la société patriarcale, les crises économiques, les attaques médiatiques. C’est ce destin hors du commun que ce livre entend cerner de plus près et de manière originale. Le destin d’une femme propulsée à 25 ans sur le trône alors qu’elle n’était pas destinée à régner et qui a tout sacrifié pour cette mission divine. Celui d’une famille aussi, les Windsor, dont les drames et les passions fascinent le monde entier.
Où va la france de macron
David Muhlmann
Depuis les années 2000, le visage de la France a bien changé, sur le plan de ses caractéristiques économiques, de la morphologie des mouvements sociaux, ou encore de la physionomie du personnel politique et de ses objectifs. La France est entrée dans l’ère de la mondialisation, et cette nouvelle donne transforme en profondeur le pays sous de nombreux aspects. La France industrielle est durablement affaiblie, les luttes sociales ne sont plus réductibles à la lutte ouvrière, et la gauche s’est progressivement alignée sur la conservation de l’ordre social. Une nouvelle réalité socio-économique, politique et idéologique s’est imposée, qui est précisément l’objet du livre, celle d’un pays dont la locomotive est constituée par le secteur financier et celui des services, dans le cadre d’un État activant à la fois la libéralisation de l’économie et l’autoritarisme répressif à l’encontre des perdants de la mondialisation.
Géopolitique des relations russe-chinoise
Pierre Andrieu
Les relations bilatérales sino-russes ont été marquées jusqu’au début du XXe siècle par une ignorance réciproque suivie d’une franche hostilité. La révolution bolchevique a inauguré une période de rapprochement, même si l’URSS n’a pas rendu les territoires spoliés par l’Empire russe. Durant la guerre civile en Chine, Moscou a joué l’équilibre entre le Guomindang et le PCC au nom du front uni contre le Japon. La proclamation de la RPC en 1949 a permis à l’URSS d’étendre le « camp socialiste » sans renoncer à certains avantages de type colonial en Chine. Après une période faste au cours des trois décennies suivantes, les rivalités ont amené les deux pays au bord de la guerre nucléaire. Puis, des dirigeants plus pragmatiques leur ont permis de normaliser leurs relations. Mais l’éclatement de l’URSS et l’affaiblissement de la Russie ont renversé les rapports de puissance entre les deux pays. À l’heure actuelle, Moscou et Pékin affichent leur « nouveau type de relations interétatiques » et leur « amitié qui ne connaît aucune limite ». Pourtant, à part une hostilité commune envers l’Occident et leur volonté de pérenniser leurs régimes respectifs, rien ne conforte véritablement cette alliance de circonstance. Leurs relations sont empruntes des mêmes ambivalence et défiance historiques. Le fort déséquilibre, faisant de la Russie un « junior partner » de la Chine, apparaît évident. Même en Asie centrale, la Russie perd pied face à la Chine. L’agression russe contre l’Ukraine, sans que les Chinois en aient vraiment été informés, ne fait qu’approfondir ces déséquilibres et pourrait être préjudiciable à leurs intérêts.
Comment Paul Veyne écrit l'histoire
Paul Cournarie, Pascal Montlahuc
L’œuvre de Paul Veyne est iconoclaste et profondément novatrice. De l’archéologie à l’histoire de l’art, du pouvoir de l’empereur au métier d’historien, du paganisme à la sexualité, les études réunies ici entendent restituer tous ses champs d’investigation et explorer toute la richesse de ce « roman vrai » qu’est l’histoire. Paul Veyne aimait susciter le débat ; discuter de son œuvre est un moyen de lui emboîter le pas.
De l'hybride à l'espèce
Romain Simenel
La référence au passé occupe aujourd’hui une place centrale dans l’affirmation de positions politiques au présent. En 2022, le sens à donner à la Seconde Guerre mondiale a ainsi été en France au cœur des débats de la campagne présidentielle comme de ceux qui ont accompagné l’invasion de l’Ukraine. La question de savoir ce qu’on doit retenir des sociétés coloniales et esclavagistes ou encore de l’absence des femmes du récit national a également continué de nourrir les controverses autour du déboulonnage de statues et des changements de noms de rue. Pour le meilleur comme pour le pire, les sociétés contemporaines se doivent donc de tirer les leçons du passé et sont enjointes de garder des traces, pour le futur, des événements qui s’y sont déroulés. Comment comprendre l’avènement de cette société de la mémoire ? Qui décide des leçons du passé ? Quels coupables sont dénoncés et quelles victimes, consacrées ? Cet ouvrage réunit les plus importants spécialistes de la mémoire, en France comme à l’international. Il propose, de manière claire et accessible, des clefs de lecture originales de ces questions contemporaines, sous la forme de plus de 50 courts chapitres.
En libraire le 13 septembre 2023
L'ère du toxique
Clotilde Leguil
Le terme de toxique, d’un siècle à l’autre, semble avoir changé de signification. Du sens propre, concernant les paradis artificiels et les stupéfiants en tout genre, nous sommes passés à un sens métaphorique. Quelle est cette substance nouvelle, qui s’est glissée entre les êtres, qui se faufile entre les interstices du monde, entre les mots et les choses, et qui dit notre fragilité et notre angoisse ? Le toxique désigne ce qui vient empoisonner nos vies, soumises à des discours qui nous prennent au corps. Si la flèche du toxikon nous vient des Grecs, elle a accompli une trajectoire traversant l’Histoire pour se planter dorénavant dans la chair de chacun. Les prémices du toxique peuvent être trouvés dans les tourments de Törless, le héros de Musil, mais aussi dans la maladie d’amour dont souffre Emma, l’héroïne de Flaubert, comme empoisonnée par sa propre jouissance. Pour explorer cette hybris nouvelle, Clotilde Leguil démontre avec Lacan la dimension toxique du Surmoi contemporain et l’égarement de la jouissance lorsqu’elle oublie le désir.
Éloge du bricolage
Fanny Lederlin
Cet ouvrage n’est pas un livre de bricolage. On n’y trouvera ni conseils pour fabriquer ou réparer des objets, ni suggestions d’ateliers créatifs, ni astuces pour aménager ou décorer sa maison. Il s’agit d’un essai philosophique sur le bricolage compris comme un mode de pensée et d’action opposé à la « logique d’ingénieur » (calculante, instrumentaliste, programmatique et planificatrice) qui domine notre époque. Un mode de pensée et d’action alternatif, donc, induit par une curiosité, une attention et une préoccupation pratique aux autres, êtres vivants aussi bien que choses. De la collection au recyclage, du tâtonnement à la débrouille en passant par le glanage et le braconnage, la pratique du bricolage pourrait ouvrir la voie d’un rapport plus juste, plus libre et plus viable au monde et à la nature. On peut le lire de la première à la dernière page, mais on peut également butiner ses courts chapitres au gré de titres qui appellent à se fabriquer son propre chemin, sa propre manière de comprendre et de pratiquer le bricolage.
La nation retardataire
Helmuth Plessner
L'État allemand moderne se forme tardivement en 1871, à un moment où les grands principes démocratiques qui ont présidé à la naissance des États européens dominants, tels que l'Angleterre, la France, les Pays-Bas, ont perdu toute force politique. Le Reich allemand est donc une grande puissance « sans idée de l'État ». À la fin du XIXe siècle, les élites du pays ne peuvent s'appuyer que sur l'idée du peuple allemand, tel qu'il existe à travers plusieurs États européens, pour fonder leurs projets politiques. Ceci conduit les Allemands, après leur défaite lors de la Première Guerre mondiale, au projet délétère de voir dans le seul fait du peuple le moteur d'un « décisionnisme » politique dégagé de tous les principes démocratiques, juridiques de l'Occident et dirigé contre eux.
Anthologie végane
Renan Larue
Le véganisme ? Une mode passagère, selon ses contempteurs. Voire un symptôme inquiétant de la décadence de notre société, qui semble accorder désormais aux poules ou aux vaches la même valeur qu’aux êtres humains. En vérité, la défense du véganisme et du droit des animaux est un phénomène très ancien, repérable dans de très nombreuses civilisations, et dans l’histoire de la nôtre. Avec cette anthologie, la première du genre en France, Renan Larue nous donne à lire cent des plus beaux, des plus poignants, des plus saisissants plaidoyers en faveur du véganisme. Ces textes, dont une vingtaine sont inédits, montrent à quel point le mode de vie végane et ses principes moraux ont été prônés, adoptés et même exaltés par les plus brillants esprits des siècles passés, en Occident comme ailleurs. Organisée selon des thématiques, l’Anthologie végane présente en outre un excellent aperçu des multiples défis anthropologiques, psychologiques, économiques, sociaux, moraux et religieux de cette compassion étendue aux animaux. Elle constitue un ouvrage de référence pour les véganes d’aujourd’hui et ceux de demain.
Les Derniers Jours de la Montagne (1794-1795)
Michel Biard
À l’été 1794, une fois Robespierre et ses proches éliminés, la Convention dite « thermidorienne » change d’orientations politiques. Persistant à siéger à gauche, les derniers Montagnards, stigmatisés sous le sobriquet de « Crêtois », mènent d’ultimes combats pour défendre les idéaux d’une République démocratique et égalitaire – entre autres la Constitution de 1793 – face à la montée en puissance des députés de la « réaction ». Cette attitude, jugée extrémiste par la nouvelle force majoritaire de la Convention, leur vaut d’être désignés comme l’ennemi à abattre : accusés d’être de « nouveaux Robespierre », Jacobins et « Crêtois » sont emportés par de nouvelles purges politiques amputant la Convention nationale. Emprisonnés, déportés, exécutés ou poussés au suicide comme les martyrs de prairial, ils paient au prix fort leur fidélité aux idéaux de l’an II. Cet ouvrage revient sur les derniers jours de la Montagne, période charnière de la Révolution et de l’histoire de la gauche en France, souvent injustement oubliée.
Considérer les animaux
Émilie Dardenne
Il n’y a pas à rougir de vouloir aider les animaux. Il n’y a pas non plus à s’excuser de n’être pas en mesure de renoncer à toutes les pratiques qui leur sont défavorables. Cherchant à dépasser le tout ou rien qui caractérise souvent les approches des relations anthropozoologiques, la zooinclusivité s’adresse à celles et ceux qui ne veulent pas laisser les animaux sur le bord du chemin. Elle leur propose une approche progressive afin d’agir favorablement et rapidement pour les autres animaux. Elle répond à des demandes émanant de secteurs divers et propose des pistes de transition au niveau individuel, collectif, sociétal. La volonté de construire un monde zooinclusif est réelle, toutefois les améliorations tangibles pour les autres animaux sont lentes et erratiques.
Au cœur des années affreuses, sales et méchantes
Dominique Bourg
De l’assassinat de Samuel Paty à l’invasion de l’Ukraine en passant par l’assaut du Capitole à Washington en janvier 2021, Dominique Bourg distille dans ce « journal » ses commentaires et réflexions sur l’actualité, où le constat pessimiste côtoie l’espoir du sursaut écologique. Avec une grande compréhension des enjeux de notre temps, il évoque tour à tour la convention citoyenne, le véganisme, la forêt primaire, l’écoféminisme, la pandémie de Covid, le glyphosate, le fascisme climatique ou encore les fantasmes de fuite sur Mars ou de « grand remplacement ». Ces années affreuses, sales et méchantes sont la source d’une réflexion de philosophie politique destinée à cerner les contours d’une démocratie écologique, impensable en dehors d’une bascule de civilisation. Les événements majeurs de ces dernières années sont ainsi l’occasion de dresser un état des lieux des maux de notre époque comme des défis qui nous attendent.
En libraire le 20 septembre 2023
Manuel du luxe
Julie El Ghouzzi
Le luxe connaît de grands bouleversements qui sont autant de défis et de ruptures à traverser : digitalisation, renversement du rapport de force avec le client, organisations internationalisées, nouvelles chaînes de valeur, enjeux du développement durable… Il doit sans cesse se réinventer, au point que sa définition semble de plus en plus insaisissable. Ce livre, par un travail rigoureux, définit et distingue les concepts qui traversent le luxe en prenant soin d’en comprendre les racines comme les enjeux futurs. L’ouvrage livre les secrets de la fabrique du luxe avec clarté : son plan simple permet à tout étudiant en marketing ou stratégie de s’y retrouver, tandis que sa réflexion appro-fondie captivera les professionnels du secteur. C’est à un voyage de philosophie du marketing auquel nous invite l’auteure, qui analyse chacun des éléments classiques du mix marketing pour en disséquer la réalité contemporaine dans le luxe à l’aide de nombreux exemples.
Comment la confiance vient aux princes
Jean-Marie Le Gall et Claude Michaud
La Renaissance est le temps des rencontres shakespeariennes. Personne n’a oublié l’entrevue de Montereau où le duc de Bourgogne fut assassiné (1419) ni celle de Péronne où le roi de France fut capturé (1468) : le terme « rencontre » a alors une signification militaire qui baigne dans l’incertain. Les princes hésitent à se voir et plus encore à se recevoir. Le manque de confiance pèse bien plus que les embarras linguistiques, religieux et culturels dans l’organisation de tels sommets.
Et pourtant, malgré l’essor du gouvernement par lettres et des ambas-sades en résidence permanente, les princes n’ont jamais renoncé à se fréquenter à l’âge moderne : l’empereur Joseph II n’hésite pas à se rendre en petit équipage en Crimée en 1787 pour visiter la tsarine Catherine II. Par quels moyens cette défiance a-t-elle été surmontée ? C’est interroger l’hospitalité et le cérémonial dans la construction d’une société de confiance.
Fondée sur une enquête qui a mis au jour 3 344 entrevues entre princes régnants, leurs enfants et leurs épouses, cette promenade inédite dans l’histoire du continent montre comment les puissants rivalisent de magnificence, exhibent leur force et assouvissent un besoin aigu de reconnaissance. Mais cette cosmopolitesse engendre-t-elle une cosmopolitique, à l’heure où les sentiments nationaux se renforcent ?
Une histoire des animaux fantastiques
Hélène Bouillon
Les animaux fantastiques sont omniprésents dans nos sociétés contemporaines. Dragons, licornes, sphinx et phénix peuplent les œuvres de fiction et notre imaginaire, peut-être même notre quotidien. Ce sont, pour la plupart, des créatures mythiques apparues à la fin de la préhistoire. Leur rôle et leurs fonctions ont évolué au cours des millénaires. Il existe cependant des constantes dans leur représentations, comme leur rapport étroit au sacré et à la mort, leur appartenance au monde des marges. C’est sans doute ce qui explique que les animaux fantastiques continuent de nous fasciner : ils nous attirent et nous terrorisent ; ils interrogent notre rapport au monde, à la nature et à notre propre animalité. Cet essai retrace, à travers six mille ans d’histoire, l’apparition, l’évolution et l’actualité des plus emblématiques d’entre eux. Certains animaux fantastiques sont en effet omniprésents dans la culture populaire alors qu’ils sont apparus à la fin du Néolithique. Quelles fonctions remplissent-ils ? Pourquoi avons-nous aujourd’hui encore besoin d’eux ? D’où vient cette longévité dans la fascination qu’ils exercent ?
Géopolitique du Japon
Philippe Pelletier
À la question d’un journaliste américain sur la politique étrangère du Japon, un ancien ambassadeur japonais répondit : « Nos histoires sont différentes, votre pays est construit sur des principes, le Japon est construit sur un archipel. » Son insularité et sa situation à l’extrémité de l’Asie, au large de la grande Chine qui ne l’a jamais conquis mais dont la civilisation l’a imprégné, ont encadré sa géohistoire. Entre repli sur soi et ouverture sur le monde, la politique du Japon est structurée par une dyarchie originale, composée d’un empereur, au pouvoir religieux et temporel, et d’un gouvernement central. Le pays se retrouve de nos jours dans une situation inconfortable. Son premier client et son premier fournisseur est la Chine, la grande rivale de son allié militaire et diplomatique, les États-Unis. Sa politique de défense, son identité nationale et ses litiges frontaliers avec les pays voisins (Chine, Corée et Russie) sont traversés par cette ambivalence, tandis que son soft power, du manga aux avancées technologiques, ne cesse de croître.
Complotisme et quête identitaire
Kenzo Nera
À la question d’un journaliste américain sur la politique étrangère du Japon, un ancien ambassadeur japonais répondit : « Nos histoires sont différentes, votre pays est construit sur des principes, le Japon est construit sur un archipel. » Son insularité et sa situation à l’extrémité de l’Asie, au large de la grande Chine qui ne l’a jamais conquis mais dont la civilisation l’a imprégné, ont encadré sa géohistoire. Entre repli sur soi et ouverture sur le monde, la politique du Japon est structurée par une dyarchie originale, composée d’un empereur, au pouvoir religieux et temporel, et d’un gouvernement central. Le pays se retrouve de nos jours dans une situation inconfortable. Son premier client et son premier fournisseur est la Chine, la grande rivale de son allié militaire et diplomatique, les États-Unis. Sa politique de défense, son identité nationale et ses litiges frontaliers avec les pays voisins (Chine, Corée et Russie) sont traversés par cette ambivalence, tandis que son soft power, du manga aux avancées technologiques, ne cesse de croître.
De la géopolitique en Amérique
Florian Louis
C’est à la fin de l’année 1941 que les Américains, entraînés contre leur gré dans la Seconde Guerre mondiale, découvrent, mi-fascinés mi-inquiets, l’existence d’une science nouvelle dans l’exercice de laquelle les Allemands seraient passés maîtres et qui expliquerait leurs spectaculaires succès : la géopolitique. Un vif débat s’engage alors : faut-il rejeter la géopolitique au motif qu’elle serait un savoir nazi par principe pernicieux ? Ou au contraire s’en rendre maître pour mieux la retourner contre ses concepteurs ? Malgré les récriminations de ceux qui n’y voient qu’une pseudo-science destinée à justifier l’impérialisme allemand, la géopolitique a tôt fait de trouver en Amérique un terreau fertile. Elle y fournit notamment, aux premières heures de la guerre froide, les cadres théoriques des doctrines de contention de l’Union soviétique. Entre Seconde Guerre mondiale et guerre froide, Allemagne et États-Unis, se joue ainsi un épisode crucial de l’histoire d’une discipline dont l’américanisation rend possible la normalisation et qui éclaire d’une lumière neuve la genèse des visions et des pratiques américaines du monde au xxe siècle.
Love
Barbara Rosenwein
Nous ne saurions donner un sens à l’amour sans l’aide de la fiction, de récits façonnant des sentiments qui, sans cela, seraient trop envahissants, trop incohérents, trop insaisissables pour être apprivoisés. Car l’amour est une émotion complexe, aussi énigmatique qu’extatique, et qui recouvre tout un éventail d’émotions et de jugements moraux. Puisant dans la poésie, le roman, les lettres, les mémoires et l’art en général, et avec l’aide de quantité d’illustrations, l’historienne Barbara H. Rosenwein explore les cinq grands fantasmes qui ont construit notre imaginaire amoureux : l’accord parfait, l’extase transcendante, l’obligation, l’obsession et le désir insatiable. Chacune a une histoire longue et complexe, dont les effets se font encore sentir aujourd’hui dans l’idée occidentale de l’amour. Mais aucune ne nous dit la même chose sur ce que l’on peut attendre d’une relation amoureuse.
L'art des vivres
Valentin Husson
Rien de plus quotidien que l’acte de manger. Rien de plus vital non plus. Mais n’y a-t-il pas davantage qu’une simple nécessité dans l’art d’apprêter les mets et de les goûter ? Dans cet essai gourmand et érudit, traversant avec grâce l’histoire de la philosophie comme celle de la gastronomie, Valentin Husson suggère qu’il y en effet a plus – beaucoup plus. Manger est un art – un art qui relève autant de l’esthétique que de l’éthique, du savoir que de la politique ou de l’écologie. Goûter, c’est apprendre à recréer un rapport avec notre environnement direct. C’est retrouver la saveur possible d’un terroir, d’une saison ou d’un produit. C’est choisir comment s’orienter par la bouche dans un monde qui aimerait décider de notre goût à notre place. C’est, surtout, se réconcilier avec l’idée que la vie puisse être bonne au sens le plus littéral du terme : au sens de sa saveur. Et si l’art de vivre était d’abord un art des vivres ?
En libraire le 27 septembre 2023
Le droit des exilés
Naïma Ghermani
Le xvııe siècle est frappé par une « crise des réfugiés » sans précédent. Fuyant les persécutions et les politiques coercitives, des centaines de milliers de personnes prennent la route de l’exil : judéo-ibériques, vaudois, protestants français, wallons ou tchèques, cherchent une protection matérielle et juridique dans plusieurs pays d’Europe. Or, le droit d’asile était jusqu'alors seulement conçu comme une immunité accordée à des délinquants ou à des criminels. Comment en faire un droit pour les personnes innocentes ? S’appuyant sur des sources en partie inédites, cet ouvrage, à la croisée de l’histoire du droit et de l’histoire des émotions, s’interroge sur cette mutation profonde du droit d’asile. Les fugitifs dispersés dans plusieurs pays d’Europe forgent un langage de l’exil et élaborent la figure compassionnelle du réfugié. C’est sur elle que les juristes s’appuient pour penser un « droit des exilés ». Ce droit de recevoir des personnes vulnérables, qui s’ébauche dans l’Allemagne protestante, ouvre un chapitre inédit et transnational du droit des gens.
Énergie
Jean-Paul Bouttes
Après une longue période d’utilisation de l’énergie disponible qui ne permettait guère plus qu’une vie majoritairement précaire, les habitants des pays développés et émergents ont connu une progression rapide de leur niveau de vie couplée à une augmentation significative de l’énergie consommée (charbon et pétrole). La prise de conscience des impacts de la production de gaz à effet de serre sur le climat oblige pourtant à reconsidérer ce mode de développement. Comment satisfaire les besoins, notamment la demande légitime de rattrapage de niveau de vie des pays en développement, tout en modifiant radicalement notre consommation d’énergie ? Il faut repenser le système de développement dans son ensemble, prendre en compte les contraintes physiques et économiques, envisager les conséquences des changements d’utilisation de l’énergie, notamment sous forme d’électricité décarbonée, en termes d’atteintes à la biodiversité, d’occupation de l’espace, de consommation de matériaux et de contraintes géopolitiques. Pour que la solution ne soit pas pire que le mal, le diagnostic doit être rigoureux, étayé par des données scientifiques, en abordant de front les obstacles à surmonter. C’est à quoi s’attelle le deuxième volet de cette enquête de la revue La Pensée écologique (www.lapenseeecologique.com)
L'expérience de l'oppression
Mickaëlle Provost
L’oppression est limitation d’une expérience, assignation d’un corps. L’oppression suppose le sujet sur lequel elle s’exerce, elle n’est étouffement qu’en étant insupportable. Si l’expérience de l’oppression prépare une résistance possible, c’est parce qu’elle est d’emblée paradoxale. En montrant que l’oppression caractérise indissociablement une violence sociale objective et la manière dont celle-ci est singulièrement perçue, éprouvée et signifiée, ce livre cherche à penser l’oppression en termes d’expérience vécue. Afin d’élucider comment elle affecte les corps, les rapports intersubjectifs ou les relations à la temporalité et à l’espace vécu, l’ouvrage déploie une phénoménologie allant au cœur de l’objectif et du subjectif, des rapports sociaux et des expériences ordinaires. Faisant résonner les œuvres de Simone de Beauvoir et de Frantz Fanon avec les textes de Richard Wright ou ceux de la pensée féministe contemporaine, l’autrice met au jour certaines dimensions typiques du vécu d’oppression et ouvre une voie nouvelle pour conceptualiser l’expérience, la subjectivité et les corps en tant qu’ils sont traversés par le sexisme et le racisme. Mais l’analyse ne s’attache pas simplement aux dépossessions et blocages suscités par l’oppression : elle envisage l’expérience dans ses possibilités et devenirs, ouvrant la voie d’une phénoménologie des résistances politiques.
Le temps et l'infini. Sur les paradoxes de Zénon
Pierrot Seban
« Avant d’arriver au bout du chemin, il faut être arrivé au milieu. Puis, au milieu de ce qui reste. Et ainsi de suite à l’infini. L’infini ne pouvant être achevé, le mouvement est impossible. » Cet argument de l’ancien Zénon d’Élée tient en quelques mots et est compréhensible par chacun. Mais affronter les problèmes qu’il soulève nous conduit à des questions fondamentales qui définissent des traditions philosophiques entières : le rapport de l’idéal et du concret, l’emprise des mathématiques sur la nature sensible, la réalité de l’infini, ou ce qui est pensé sous le mot « temps ». Ce livre est un effort pour définir précisément le problème posé par Zénon, et pour l’affronter de plein fouet ; ne le considérant ni comme un vulgaire sophisme, ni comme un simple malen-tendu dissipé par analyse, ni comme résolu au dehors de la philosophie par les mathématiques ou la physique moderne. Son auteur tente de montrer que ni l’une ni l’autre de ces deux questions ne sont aujourd’hui dépassées, ni consensuellement résolues : pouvons-nous concevoir l’achèvement d’un infini ? Et si nous ne le pouvons pas, sommes-nous en fait capables de penser le temps ?