En libraire le 3 mai 2023
L'échappée belle
Rémy Oudghiri
L’imprévu a déserté nos vies, a été banni de nos sociétés, toujours plus avides de planification. Nous laissons ainsi se perdre l’essentiel : la poésie insoupçonnée du quotidien, le goût des rencontres, les découvertes du hasard. Il est encore temps de changer notre regard et de pratiquer un art subtil de la fugue. Il faudrait pour cela transformer ce que nous voyons comme des contrariétés – retards, annulations, pannes – en occasions de bifurquer. Et profiter de ces lieux d’évasion facile que sont les bancs publics, les premiers étages des cafés, les halls d’aéroports, les restaurants vides, les escaliers d’immeubles…
Le Monde vu d'Istanbul
Jean-Sylvestre Mongrenier
De la Méditerranée au Caucase, voire au-delà, les conceptions géopolitiques turques, avec leurs prolongements stratégiques et militaires, ébranlent l’OTAN et interpellent l’Occident. Au Karabakh comme en Libye ou dans le nord syrien, Recep Tayyip Erdogan cherche un terrain d’entente avec Vladimir Poutine. Certes, l’agression russe sur l’Ukraine, liée à la Turquie par un partenariat de défense, semble avoir enrayé ce mouvement. Pourtant, l’Occident ne pourra faire l’impasse sur l’acteur géostratégique « néo-ottoman » et ses ambitions, au cœur d’un vaste ensemble turc et musulman dont il importe de prendre la juste mesure : ce monde dit altaïque, là où les langues turques et apparentées se sont imposées ou, du moins, ont laissé leurs traces. En multipliant les points d’entrée et les angles d’approche de la Turquie, des représentations géopolitiques d’Erdogan et de son cercle rapproché, cet ouvrage entend comprendre le monde tel qu’il est vu depuis Istanbul. Les apports de l’histoire, la connaissance de la géographie et le recours à la géopolitique permettent de dresser la carte mentale des dirigeants turcs, de comprendre leurs objectifs politico-stratégiques et de dessiner les contours de ce qu’ils nomment le « Siècle turc », matière à revanche des échecs passés.
UberUsés
Sophie Bernard
Après l’immigré OS à vie et l’épicier maghrébin, le chauffeur Uber racisé se présente comme une nouvelle figure du système d’emploi. Si le déploiement des plateformes numériques marque l’avènement de formes renouvelées, voire exacerbées d’exploitation, il s’inscrit dans un capitalisme racial de plateforme reposant sur celle d’hommes racisés. L’enquête inédite menée auprès d’une centaine de chauffeurs Uber à Paris, Londres et Montréal est l’occasion d’aller à la rencontre de cette figure emblématique de l’« ubérisation » pour décrire la réalité de leur quotidien de travail. Entrés dans le métier pour améliorer leur condition, ces travailleurs indépendants connaissent des conditions de travail et d’emploi dégradées. Caractérisées par la combinaison du management algorithmique et de formes d’emploi ultra-flexibles, les plateformes numériques participent d’une reconfiguration de l’emploi précaire qui se révèle particulièrement adaptée à l’exploitation des travailleurs racisés. Elles peuvent ainsi tirer parti d’une main d’œuvre disponible et docile qui, au moment même où elle croyait y échapper, se voit à nouveau assignée à « un travail pour immigré ».
Mobilisations écologiques
Jean-Baptiste Comby et Sophie Dubuisson-Quellier
Les luttes autour de l’écologie sont-elles des combats politiques comme les autres ? Longtemps perçues comme expertes et sectorisées, elles sont souvent décrites comme dépolitisées. En s’intéressant aux mobilisations écologiques, plutôt qu’à celles qui seraient le fait des seuls écologistes, cet ouvrage rend compte de leurs évolutions récentes.
Aux côtés des mouvements portés par des militants des classes supérieures, se (re)déploient aujourd’hui des luttes environnementales menées par d’autres groupes sociaux – les femmes, les minorités ou les plus modestes. Ces mobilisations contemporaines, cherchant à s’enraciner dans des revendications sociales plus larges – antiracisme, anticapitalisme –, renouent avec des modes d’action qui favorisent la relation avec d’autres mondes militants. Sans toutefois parvenir à les associer pleinement à ses luttes, la cause écologique apparaît, pour ces groupes qui la rejoignent, comme un moyen d’améliorer leur condition. Analyser ces mobilisations permet de montrer comment la question écologique peut se revendiquer comme question sociale.
Lutter contre les stéréotypes
Denis Ramond et Dominique Lagorgette
Qu’il s’agisse de la presse, de contenus publicitaires, d’œuvres artistiques et littéraires ou de discours politiques, certaines formes d’expressions publiques sont fréquemment accusées de propager des stéréotypes sexuels et raciaux. Initialement politique et moral, l’impératif de lutter contre ces représentations stéréotypées s’inscrit progressivement dans la loi. Cela ne va pas sans poser de problèmes : comment définir un stéréotype ? Toute représentation, en tant qu’elle peut figer son objet, n’est-elle pas susceptible de devenir un stéréotype ? La lutte contre les stéréotypes ne risque-t-elle pas d’entrer en conflit avec la liberté d’expression ? L’ouvrage, pluridisciplinaire, met en lumière les difficultés et les paradoxes d’une injonction qui a les atours de l’évidence, mais qui n’a pas été suffisamment analysée.
Être et genèse des idéalités
Dominique Pradelle
La question centrale de cet ouvrage se situe à la croisée du réalisme et de l’idéalisme : comment peut-on à la fois affirmer que les objets dont traite la mathématique possèdent un être identique en tout temps et pour tout sujet pensant et qu’ils ont été produits par un sujet mathématicien ? L’idéalité des objectités formelles implique en effet leur autonomie ontologique vis-à-vis de la conscience, donc l’impossibilité de les produire. Or ces objets idéaux requièrent l’invention d’un système de notations symboliques et font leur apparition à un moment de l’histoire : n’est-ce pas le signe de leur dépendance ontologique vis-à-vis de la spontanéité productrice de la conscience ? Partant, la vérité mathématique doit-elle être conçue comme adéquation de la connaissance à des objets qui lui préexistent, ou comme dévoilement d’objets n’ayant ni existence en soi, ni préexistence à l’acte qui les dévoile ? Ces questions fournissent l’occasion d’élaborer un discours de la méthode phénoménologique, d’analyser le mode d’être temporel des idéalités et de conjoindre idéalisme du sens et réalisme nomologique : si le sens mathématique est engendré, propriétés et lois doivent être découvertes et démontrées.
En libraire le 10 mai 2023
La totalité littéraire
Jean-Marc Moura
La littérature mondiale n’est pas une utopie : elle est ce qui nous arrive. À l’heure actuelle, nous avons accès à plus d’œuvres remarquables, venues de tous les temps et de tous les continents, que nous n’en pourrions lire en dix vies. Au tournant du millénaire, la mondialisation de la littérature a suscité un nombre impressionnant de travaux qui interrogent les répartitions linguistiques planétaires, problématisent les canons traditionnels et tentent de redessiner les espaces et les temporalités littéraires. Pourtant, à de rares exceptions près, ces débats, qui renouvellent l’étude des relations entre les cultures, demeurent absents de la critique en langue française. Ce livre examine les principales interprétations de la notion de littérature mondiale, interroge leurs pratiques d’analyse, d’écriture et de lecture, montrant comment, aujourd’hui, à l’échelle planétaire, c’est l’idée même de littérature qui se transforme.
L'histoire libérale de la modernité
Florence Hulak
Le libéralisme s’est souvent vu reprocher une vision individualiste de la société et une compréhension dépolitisée du devenir. Cette critique occulte toutefois le modèle inédit d’écriture de l’histoire qu’il a inspiré dans les années 1820 : le récit des luttes d’un sujet collectif contre l’oppression et son occultation. Or ce modèle a marqué les sciences historiques et sociales comme la philosophie, bien au-delà des approches se réclamant ouvertement du libéralisme politique. Réinterprétant l’histoire de la liberté au prisme du récit de la guerre des « races », l’histoire libérale de la masse a inspiré les premières histoires de la nation, mais aussi la première histoire de la lutte des classes. Elle a également ouvert la voie aux pensées critiques pour lesquelles la vérité historique ne peut être établie que du point de vue du groupe dominé. Ce livre met ainsi au jour l’histoire libérale de la modernité et ses prolongements, éclairant la puissance et les limites de cette matrice politico-scientifique dont nous sommes toujours tributaires.
Préparer l'imprévisible
Frédéric Keck
Comment Lucien Lévy-Bruhl, auteur d’ouvrages sur la philosophie allemande et la « mentalité primitive », peut-il éclairer les enjeux des sciences sociales aujourd’hui ? Pour actualiser cette grande figure de la Troisième République, il faut repenser les liens entre le socialisme français et le système colonial à partir de l’affaire Dreyfus. Celle-ci mit à l’épreuve la thèse de Lucien Lévy-Bruhl sur la responsabilité et le conduisit à étudier les formes d’anticipation de l’avenir dans les sociétés sans État. À partir d’archives inédites et d’une hypothèse théorique nouvelle, ce livre retrace les engagements de Lucien Lévy-Bruhl, du soutien des ouvriers au cours de la Première Guerre mondiale à l’aide aux exilés juifs dans les années 1930, et replace l’ethnologie parmi d’autres sciences de la vigilance, comme les statistiques et l’épidémiologie. Il montre ainsi que l’étude des sociétés éloignées permet à la nôtre de se préparer aux catastrophes à partir de l’observation des sentinelles.
En libraire le 17 mai 2023
24 heures de la vie sous Ramsès II
Renaud Pietri
Nous sommes en l’an 55, Ramsès II est à la fin d’un règne qui fut exceptionnel. Renaud Pietri nous invite à descendre le Nil et à reconstituer ce que fut une journée normale sous Ramsès II. Des temples jusqu’au Palais Royal, du travail d’un artisan à celui d’un scribe, ce livre redonne vie à l’Egypte ancienne, dans son quotidien, à travers ses croyances, ses dieux et ses hommes. Une épopée vivante et érudite pour redécouvrir ce royaume des mystères.
À l'école du doute
Marc Romainville
Internet est un incubateur idéal de la pensée approximative. Il profite habilement de certaines de nos prédispositions cognitives pour capter notre attention et nous attirer dans les filets des fake news et des théories complotistes ou « alternatives ». Nous finissons par ne plus savoir où est la vérité. L’école a donc, plus que jamais, la mission cruciale de développer l’esprit critique des jeunes, pour qu’ils se construisent des idées justes et nuancées du monde qui les entoure. Se trouve proposée ici une méthode innovante de développement de l’esprit critique pour l’ère numérique. Le principe en est simple : la domination de sa pensée exige de comprendre les mécanismes de traitement de l’information numérique qui expliquent notre crédulité à son égard. Enseigner aux jeunes à penser juste, à partir d’une meilleure connaissance du pourquoi ils pensent souvent faux sur Internet, fera d’eux des citoyens digitaux prudents, nuancés et critiques, condition essentielle au bon fonctionnement de nos démocraties.
La transaction
Gérard Bensussan
Comment penser la politique sans repenser l’essence de l’opinion ? Mais comment être encore « philosophe » si l’on accorde que la doxa manifeste quelque chose de la vérité du monde ? Statuer sur ce dilemme demande que soit interrogée la tradition de la philosophie dans sa relation à la politique. D’abord en réhabilitant l’idée d’un sens commun à tous, dont le partage passe par la confrontation des opinions énoncées dans des jugements discordants. Existence partagée supportant hors d’elle de l’impartagé, la démocratie vit sous la condition que libre voix soit inconditionnellement accordée à l’expression des opinions. Ensuite, en donnant à cette existence démocratique, irréductible à un régime, son concept, la transaction. La transaction désigne à la fois une action de reliaison entre des pôles opposés inconciliables et les objets transactionnels dans lesquels se cristallise cette action de façon aléatoire et provisoire. La démocratie n’est rien d’autre que le mouvement qui va de l’action à l’objet qui la fixe puis de l’objet à l’action qui le défait.
La transaction
Serge Sur
Cinéma et bande dessinée ont toujours été le miroir des sociétés dont ils émanent. Leurs images renvoient à une réalité sociale, politique et humaine qui est celle de leur temps. Produits de l’imaginaire, ils sont des reflets de leur époque dans toutes ses dimensions. Ces œuvres et la sédimentation de leurs significations demandent à être décryptées. À travers une sélection de films et de chefs-d’œuvre de la bande dessinée franco-belge auxquels il rend hommage, Serge Sur analyse les images de leur âge d’or. Leurs métaphores et leur dramaturgie contribuent à éclairer les relations internationales, les mouvements sociaux, la conquête et la perte du pouvoir, la société française et ses frustrations.