Henri Bergson (1859-1941) est sans conteste l'un des plus grands philosophes de notre époque ; c’est en tout cas ainsi que le saluait Paul Valéry, après sa disparition. Avec une édition critique très complète dans la célèbre collection « Quadrige », une série d’inédits et la bibliographie unique et exhaustive mise à disposition dans cet article, les Puf sont les premiers éditeurs de Bergson en France.
« Très haute, très pure, très supérieure figure de l’homme pensant, et peut-être l’un des derniers hommes qui auront exclusivement, profondément et supérieurement pensé, dans une époque du monde où le monde va pensant et méditant de moins en moins, où la civilisation semble, de jour en jour, se réduire au souvenir et aux vestiges que nous gardons de sa richesse multiforme et de sa production intellectuelle libre et surabondante, cependant que la misère, les angoisses, les contraintes de tout ordre dépriment ou découragent les entreprises de l’esprit, Bergson semble déjà appartenir à un âge révolu, et son nom, le dernier grand nom de l’histoire de l’intelligence européenne. »
Paul Valéry, le 9 janvier 1941
On ne peut présenter Bergson aux Puf sans nommer Frédéric Worms : philosophe, professeur à l'École normale supérieure et spécialiste d’Henri Bergson, il a notamment dirigé l’édition critique des œuvres de Bergson en « Quadrige » et la publication des Annales bergsoniennes.
Sommaire
La publication des cours de Bergson au Collège de France
Série publiée sous la direction scientifique de Fréderic Worms
En 1900, Henri Bergson succède à Charles Lévêque au Collège de France. Les amphithéâtres se peuplent « par miracle d’une foule inattendue », racontait M. Leroy-Beaulieu, qui donnait ses leçons dans la même salle. Ces cours sont à l’origine de la « gloire » de Bergson, qui s’est étendue jusque dans les années 1930. Les renvois à son œuvre y sont nombreux ; il souhaitait amener son enseignement et son travail personnel « aussi près que possible l’un de l’autre », et tout porte à croire que ces cours au Collège de France ont préparé la rédaction de L’Évolution créatrice. Pour la première fois, ces leçons légendaires, si souvent décrites par les contemporains du philosophe, deviennent accessibles.
Ces dernières années, les Puf ont édité quatre cours inédits professés par Bergson au Collège de France entre 1901 et 1905. Quand Charles Péguy se voyait dans l’incapacité de s’y rendre, il envoyait les frères Raoul et Fernand Corcos, sténographes assermentés, suivre le cours à sa place. Ces retranscriptions au mot près établissent un lien essentiel entre l’œuvre écrite de Bergson et son enseignement oral, et permettent au lecteur d’aujourd’hui d’« écouter » le grand philosophe.
Soixante-quinze ans après sa mort, la voix du philosophe résonne comme en écho à son œuvre écrite dans cette édition, brisant la loi du temps ; l’annotation se fait discrète, garantissant au lecteur l’intelligence du propos.
L'idée de temps.
Cours au Collège de France 1901-1902
Faisant suite au cours sur l’Idée de cause, le cours sur l’Idée de temps a ceci de remarquable que Bergson aborde de façon directe, donc sans le détour par l’exposition et la résolution de problématiques autres, ce qui semble la thématique centrale de sa pensée. Un autre point remarquable de ce cours est la réflexion sur la négation qui donnera naissance, dans L’Évolution créatrice, à l’analyse de l’idée de Néant.
La publication de ce premier cours de Bergson vient clore la publication inédite des cours de Bergson au Collège de France.
Édition établie, annotée et présentée par Gabriel Meyer-Bisch.
Histoire de l'idée de temps.
Cours au Collège de France 1902-1903
Au prisme de sa pensée de la durée, Bergson revisite dans ce cours les philosophies de Platon, Aristote, Plotin, Descartes, Leibniz et Kant, et prépare là ce qui deviendra un chapitre majeur de L’Évolution créatrice.
Édition établie, annotée et présentée par Camille Riquier. Maître de conférences à l’Institut catholique de Paris, il a établi l’édition critique de Matière et Mémoire dans le cadre de la réédition des œuvres complètes de Bergson aux Puf (coll. « Quadrige », 2008). Il est notamment l’auteur d’une Archéologie de Bergson (Puf, 2009, prix La Bruyère 2010).
Histoire des théories de la mémoire. Cours au Collège de France 1903-1904
Ce cours est le dernier que Bergson a professé depuis la chaire d’Histoire de la philosophie grecque et latine ; il le présentait comme « plus dogmatique » que les précédents. Certaines pages sont sans équivalent dans l’œuvre connue du philosophe.
Édition établie, annotée et présentée par Arnaud François. Professeur de philosophie à l’université de Poitiers, il est notamment l’auteur de l’édition critique de L’Évolution créatrice de Bergson (Paris, Puf, 2007), de Bergson, Schopenhauer, Nietzsche. Volonté et réalité (Paris, Puf, 2009), et, depuis 2012, corédacteur des Annales bergsoniennes.
L’évolution du problème de la liberté. Cours au Collège de France 1904-1905
En retraçant depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne la manière dont les philosophes ont traité la délicate question de la liberté, Bergson démontre la nécessité, mais aussi le caractère radicalement neuf, de sa propre théorie de la liberté. Ce cours est le premier que Bergson professe depuis la chaire d’Histoire de la philosophie moderne au Collège de France, où il remplace le sociologue et philosophe Gabriel Tarde. On y trouve des analyses qui ne se rencontrent nulle part ailleurs dans son œuvre telle que connue à ce jour, et dont la puissance d’éclairage sur les ouvrages, de même que la puissance de suggestion philosophique en général, sont considérables.
Édition établie, annotée et présentée par Arnaud François.
L’édition critique de la collection « Quadrige »
En 2007, à l’occasion du centenaire de L’Évolution créatrice de Bergson, les Puf lancent la première édition critique des œuvres du philosophe, dans la collection « Quadrige ». Cette opération a concerné, outre tous les livres de Bergson déjà publiés, des conférences et articles indispensables à l’intelligence de l’œuvre, des extraits de sa correspondance, et différents cours, accompagnés d’études critiques.
Dirigée par Frédéric Worms, cette édition critique offre le texte intégral du livre dans sa pagination de référence, tel qu’il venait de paraître, et de manière indépendante ; puis elle le complète par un dossier de notes historiques, philosophiques, analytiques et bibliographiques. Elle fournit ainsi des instruments de travail pour étudier comme il se doit la grande œuvre classique qu’est celle de Bergson.
L'édition critique comprend une vingtaine d'ouvrages, parmi lesquels les incontournables :
Le dossier complémentaire au texte comprend :
- un appareil de notes précis signalant et éclairant les références historiques, scientifiques, philosophiques ; les renvois internes à un même livre et aux autres livres de Bergson ; les principales notions ou difficultés du texte lui-même ;
- une table analytique de l’ouvrage (rappelant, outre les intitulés de Bergson même en italiques, les articulations principales de l’ouvrage, en gras, et le détail de son mouvement) ainsi qu’une série d’index dont la précision et la multiplicité permettent de ressaisir la richesse et la continuité même du livre : index des noms, des notions, des exemples, des images ;
- une brève anthologie des « lectures » majeures de l’ouvrage ainsi qu’une bibliographie extensive et commentée le concernant.
Les Annales bergsoniennes de la collection « Épiméthée »
Cette série de publications, au cœur de la prestigieuse collection philosophique « Épiméthée », présente une étude enrichie de Bergson et de sa philosophie. On y trouve de nombreuses études, venues de spécialistes éminents et de jeunes chercheurs ; des inédits de Bergson, notamment ses leçons au Collège de France ; des inédits sur Bergson, tels que les cours de Deleuze ; enfin, des dossiers complets sur l’œuvre du philosophe. Tous ces éléments s’emploient à réévaluer la place de Bergson dans son époque, mais aussi dans la nôtre. Rédigées par des collectifs, les Annales bergsoniennes sont dirigées par Frédéric Worms.
La bibliographie de Bergson
Unique au monde et indispensable à tous les philosophes, la bibliographie de Bergson rassemble plus de trois mille éléments ; si la plupart couvrent des aspects de la pensée de Bergson déjà examinés, d’autres explorent des portées de sa pensées jamais développées ni même reconnues auparavant.
Pour naviguer plus aisément dans une littérature aussi massive, le contenu est divisé en trois parties :
- Les écrits de Bergson
- Les écrits sur Bergson (1890 à 1991 / 1992 à 2010)
- Un mélange de critiques, traductions, coupures et notices de toutes sortes
Cette bibliographie a été composée par Pete Gunter, philosophe et environnementaliste. Il a notamment édité deux ouvrages sur Bergson et les sciences, a préfacé deux éditions de L’Évolution créatrice (1983, 2005), et a publié de nombreux articles et critiques concernant Bergson.
« Bergson a été foncièrement incompris, à la fois par la portée de son discours et par sa profondeur. D’une part par sa portée, parce que l’étendue de son influence sur des sujets aussi divers que l’architecture tchèque ou la chronobiologie, la littérature américaine, la thermodynamique, ou la peinture cubiste a été soit négligée, soit purement et simplement écartée. Et d’autre part par sa profondeur, car ses critiques – sceptiques à l’égard des constructions de l’intelligence humaine – ont été perçues à la fois comme anti-conceptuelles et anti-intellectuelles plutôt que pour ce qu’elles sont : des prolégomènes à de nouveaux modes, plus flexibles, de l’imagination et de la pensée. La motivation principale pour compiler une bibliographie de Bergson est de neutraliser, autant que possible, ces deux incompréhensions. »
Pete Gunter
La pensée de Bergson, bien que profondément philosophique, ne s’est jamais limitée à la seule philosophie. Pour être véritablement entière, cette bibliographie se refuse à laisser de côté les arts et les sciences, que Bergson a largement influencés ; il appartient incontestablement à la France, mais aussi au monde.
Pour aller plus loin
Après Bergson, Giuseppe Bianco, « Philosophie française contemporaine », 2015.
Archéologie de Bergson. Temps et métaphysique, Camille Riquier, « Épiméthée », 2009.
Bergson, Jean-Louis Vieillard-Baron, « Que sais-je ? », 2013.
Bergson, Philippe Soulez, Frédéric Worms, « Quadrige », 2002.
Bergson. Correspondance, Henri Bergson, André Robinet, « Grands ouvrages », 2002.
Bergson. Mystique et philosophie, Anthony Feneuil, « Philosophies », 2011.
Bergson et Bachelard, Marie Cariou, « Questions », 1995.
Bergson et Freud, Brigitte Sitbon, « Philosophie française contemporaine », 2014.
Bergson et James, cent ans après, Stéphane Madelrieux, « Science histoire et société », 2011.
Bergson et la religion, Ghislain Waterlot, 2008.
Bergson ou les deux sens de la vie, Frédéric Worms, « Quadrige », 2013.
Bergson politique, Philippe Soulez, « Philosophie d’aujourd’hui », 1989.
Bergson, Schopenhauer, Nietzsche. Volonté et réalité, Arnaud François, « Philosophie d’aujourd’hui », 2009.
Henri Bergson, Vladimir Jankélévitch, « Quadrige », 2015.
Introduction à Matière et mémoire de Bergson, Frédéric Worms, « Les grands livres de la philosophie », 1997.
L’idée de vie chez Bergson et la critique de la métaphysique, Pierre Trotignon, « Épiméthée », 1968.
Lectures bergsoniennes, Marie Cariou, « Questions », 1990.
Lire Bergson, Frédéric Worms, Camille Riquier, « Quadrige », 2013.
Religion, métaphysique et sociologie chez Bergson. Une expérience intégrale, Brigitte Sitbon, « Philosophie d’aujourd’hui », 2015.