En libraire le 5 avril 2023
Odeurs de la Terre
Isabel Cruz-Hernandez
Ce récit montre la résilience des peuples dits ancestraux du sud du Mexique face aux dominations qu’ils ont subies, de la colonisation européenne à la corrosion de la modernité capitaliste. Leurs modes de vie communautaires et pratiques de résistance leur ont permis de conserver leur insertion dans la nature. Forts de leurs traditions et ressources, ils sont parvenus à survivre aux assauts d’une économie de la dépossession. Leur résistance culturelle est ainsi devenue une arme politique face à la mondialisation. À travers le prisme de la milpa, cet ouvrage montre la contribution de ces peuples à la biodiversité, laquelle alimente en retour une cosmogonie complexe et en dialogue constant avec les divinités de la nature. Le regard d’Isabel Cruz Hernandez donne accès à cette résistance, au fil de son parcours au service des paysans et autochtones. Nous découvrons ainsi comment la persistance de pratiques et d’économies agricoles aux racines millénaires, et cependant en constante adaptation, a permis de résister aux changements accélérés imposés par la modernité. Nous comprenons ce faisant les leçons de vitalité de ces peuples méso-américains du maïs et de la pluie face aux dilemmes du monde moderne.
C'est la faute des actionnaires !
Christophe Bonnet
Les critiques de la détention privée du capital des entreprises, aussi anciennes que le capitalisme, sont ravivées par les enjeux existentiels que constituent le réchauffement climatique, les atteintes à la biodiversité et la dégradation des espaces naturels de la planète. Pour certains, si l’humanité court à sa perte, si entreprises et gouvernements sont empêchés d’opérer une véritable transition écologique, c’est la faute des actionnaires et de leurs exigences : objectifs de rentabilité insoutenables, obsession du court terme, dividendes excessifs qui empêchent d’investir dans la transition environnementale. Le tableau est-il si noir ? Christophe Bonnet met les croyances sur les actionnaires, relayées par les médias et considérées comme des évidences, à l’épreuve des observations empiriques et des travaux des chercheurs en finance, largement ignorés des décideurs et du public. Il montre comment certaines croyances infondées façonnent notre vision souvent négative de l’entreprise, et explique leur origine et leur diffusion. Cet ouvrage permet de mieux comprendre le fonctionnement de l’entreprise capitaliste, ses limites et les évolutions en cours. Il éclaire les débats actuels sur la finance verte (illusion ou révolution ?), l’activisme climatique, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et le rôle des actionnaires dans leur gouvernance. Si la finance peut contribuer à faire face aux enjeux écologiques, elle ne peut pas tout, et des actions résolues des citoyens et des États sont indispensables.
Les bienfaits de la jalousie
Catherine Chabert Estelle Louët
Banale, singulière, tragique, ridicule, violente, insidieuse, amoureuse, fraternelle… La jalousie se fait entendre avec la régularité des composantes essentielles de la vie psychique. C’est sans doute la part de passion, voire de folie, qu’elle exalte qui lui donne sa puissance inspiratrice depuis la nuit des temps. C’est peut-être aussi parce que, au-delà de la vie amoureuse qui reste son lieu d’émergence le plus manifeste, au-delà de l’intimité de la psyché individuelle, elle peut diriger souterrainement l’ordre du monde. De la bataille entre les frères pour la possession des objets d’amour à la hantise de l’infidélité de l’amant(e), c’est toujours l’affrontement entre l’être et l’avoir qui impose sa tyrannie. Quels pourraient être les bienfaits de la jalousie ? En deçà de sa force insistante, en deçà du tourment qu’elle déclenche et entretient, en deçà des démons qu’elle appelle, c’est peut-être la lutte contre la dépression, la lutte contre la mélancolie et sa douleur que la jalousie anime puisqu’elle mobilise jusqu’à l’exaspération les pulsions libidinales. Grâce à la projection, l’autre retrouve sa qualité d’étranger et les incertitudes de son amour et de sa haine occupent le devant de la scène. C’est parce qu’elle s’offre comme un objet d’étude curieusement familier et en même temps étranger qu’il nous faut avec entêtement y revenir régulièrement. Au lieu qui nous importe… dans l’analyse et dans le transfert.
En libraire le 12 avril 2023
Faut-il sauver l'ours blanc ?
Thomas Lepeltier
Il est souvent question aujourd’hui de protéger la nature (le vivant, les animaux sauvages, la biodiversité, les écosystèmes…). Pourtant, dans les espaces naturels, les animaux souffrent très fréquemment de faim, de soif, de froid, de parasites, de blessures ou encore de maladies, quand ils ne se font pas dévorer par des prédateurs. Dans ces conditions, pourquoi vouloir à tout prix sanctuariser la nature ? Pourquoi ne pas plutôt entreprendre de la transformer pour le bien-être des animaux, à l’instar de ce que l’on fait pour les humains ? Contre une écologie qui voudrait préserver la nature des activités humaines, Thomas Lepeltier défend ainsi une démarche éthique qui nous conduit à y intervenir et à la modifier. De la même manière que l’on vient en aide à des humains en souffrance, il n’y a en effet aucune raison, si on en a les moyens, de ne pas assister les animaux sauvages quand ils souffrent et de ne pas transformer leur espace de vie pour accroître leur bien-être. C’est là une question éthique fondamentale : comme le montre ce livre, pour diminuer la souffrance sur Terre, mieux vaut transformer la nature que la préserver telle quelle.
Dialogue avec la faiblesse, suivi de Le monde et ses remèdes
Clément Rosset
La philosophie de Rosset n’a cessé, pendant près de soixante ans, de voir dans la morale l’un des lieux privilégiés du refus de la réalité, ou du tragique. Dès La philosophie tragique, et jusqu’à ses dernières productions, Rosset a montré comment la morale, plutôt qu’une réflexion, n’exprimait qu’une certaine affectivité. Les jugements moraux ne sont, d’après lui, que des désirs déguisés, ayant tous comme objectif commun de récuser la réalité à laquelle est confronté l’homme. Ce texte, rédigé entre 1960 et 1961, offre, à l’étonnement des lecteurs de Rosset, une « éthique tragique » de la force qui s’oppose avec vigueur à la morale de la faiblesse. Cet inédit est suivi d’une réédition de Le monde et ses remèdes, publié aux Puf en 1964 et réédité en 2014, suite logique et chronologique du Dialogue avec la faiblesse.
Rosset, philosophe du tragique
Santiago Espinosa
L’œuvre de Clément Rosset cherche à établir une « théorie du réel », comprenant par là avant tout une critique de l’illusion. Trois figures principales n’ont de cesse de revenir du premier au dernier de ses livres : le réel, le double, la joie. Ces trois concepts ont cependant prêté aux malentendus les plus farfelus, en dépit de l’écriture claire et lumineuse de Rosset : les commentaires que son œuvre suscite çà et là donnent souvent l’impression de passer à côté de l’essentiel, de ne retenir de ces trois figures que le son creux de leur nom. Cet essai tente de montrer au contraire la spécificité de la « philosophie tragique » de Rosset, en la prenant pour une tentative cohérente et rigoureuse d’aborder l’expérience humaine du désir qui rende compte de la paradoxale et énigmatique joie de vivre.
La ville des enfants
Sophie Corbillé
Quelle place le capitalisme occupe-t-il dans la vie des enfants ? Et dans quelle mesure les industries culturelles prennent-elles part à la fabrique de l’enfance ? C’est à partir d’un cas singulier appartenant au secteur florissant du loisir éducatif, les parcs à thème de l’entreprise KidZania, que cet ouvrage explore ces questions. Dans ces espaces de jeu mondialisés à la forme de ville miniature, installés dans des malls de quartiers aisés de grandes métropoles, les enfants de 4 à 12 ans sont invités à jouer à travailler, à gagner de l’argent et à consommer auprès de vraies entreprises et institutions. L’enquête, conduite sur plusieurs années dans les parcs de Santiago du Chili et de Dubaï, dévoile comment les lieux se présentent comme des espaces de représentation et de performance de la société de marché, mais également des arènes de débats sur les formes de vie à l’heure du capitalisme tardif. Produits de l’industrie culturelle de l’enfance, ces espaces mettent au jour les intrications puissantes entre les sphères des loisirs, de l’éducation, de l’économie et de la culture, et mènent à s’interroger sur la façon dont les enfants grandissent dans les espaces urbains globalisés.
Les princes et les Juifs dans l'Italie de la Renaissance
Pierre Savy
Au moment où les royaumes d’Occident expulsent les Juifs, les princes de l’Italie de la Renaissance, eux, les gardent à leurs côtés ou les accueillent. Pourquoi, dans le duché de Milan ou celui de Savoie, dans la Ferrare des Este ou la Mantoue des Gonzague, les Juifs sont-ils même mieux acceptés que dans les républiques oligarchiques voisines, comme Venise, Gênes ou Florence ? Les politiques des princes envers les Juifs permettent de révéler le fonctionnement et les valeurs fondamentales de leur pouvoir. Ils s’efforcent de réduire la diversité politique de leurs États en imposant leur autorité à tous ceux qu’ils considèrent comme leurs « sujets ». Les princes souhaitent-ils pour autant édifier une société politique lisse et fluide ? Leur pouvoir politique s’exerce plutôt sur de nombreux particularismes, dont celui des Juifs, qu’ils acceptent largement tant que l’ordre et la justice sont respectés. Les Juifs, entité politique hétérogène, sujets, voire citoyens comme les autres, bénéficient pendant un temps de ce modèle, qui s’inscrit dans la longue histoire des minorités et de leurs droits, mais qui fut radicalement remis en cause à l’époque moderne.
Guerre civile
Alessandro Monsutti et Franck Mermier
La notion de guerre civile est utilisée pour qualifier des réalités très hétérogènes allant des guerres internes, souvent à dimension internationale, aux situations de conflits politiques, sociaux et culturels. En interrogeant sa pertinence, ce numéro de Monde commun a pour ambition d’aller au-delà des catégorisations, qu’elles relèvent des sciences sociales ou du droit international. Il propose de revisiter l’actualité des guerres contemporaines, de l’Afghanistan au Yémen, en passant par la Syrie, l’Éthiopie et la Birmanie, en retraçant les lignes de force, les dynamiques et les représentations vernaculaires de ces conflits hors du cadre géopolitique par lequel ils sont souvent perçus. Des parallèles sont en outre tissés entre les guerres de l’ex-Yougoslavie et celle d’Ukraine. Il nous plonge aussi dans les réalités contrastées des États-Unis et de la Colombie où des antagonismes politiques, sociétaux et raciaux attisent les braises de conflits jamais vraiment éteints.
Chronique d'un impôt sur l'héritage en perdition
André Masson
Les droits de succession représentent un peu plus du centième des recettes fiscales en France. C’est peu mais plus que presque partout ailleurs : nombre de pays européens les ont ainsi supprimés depuis les années 2000. Ils sont par ailleurs de plus en plus impopulaires, près de neuf Français sur dix étant aujourd’hui favorables, dans toutes les couches sociales, à un allègement de l’impôt. Les élections de 2022 ont constitué pour l’impôt une épreuve de vérité, offrant un large éventail de propositions, de la suppression des droits en ligne directe pour la droite dure jusqu’au plafonnement de l’héritage transmissible pour la gauche radicale. Le diagnostic est clair : le scénario d’une mort lente de « l’impôt sur la mort » est le plus probable. Naguère, l’impôt était pourtant florissant et bien mieux toléré. Cet ouvrage montre que ces évolutions découlent d’un grand retournement idéologique après 1980, alimenté par le retour du patrimoine et sa diffusion dans les classes moyennes, ainsi que par le repli sur la famille en des temps de plus en plus individualistes et incertains. Désormais, concevoir les droits de succession comme un impôt de justice sociale, réducteur de l’inégalité des chances, ne suffit plus. Pour les sauver, il faut leur prêter une vocation complémentaire : ils pourraient constituer un mécanisme fiscal incitatif qui permette de financer à large échelle, par l’épargne abondante des seniors, les investissements d’avenir collectifs, productifs, écologiques et sociaux, dont nos sociétés ont tant besoin aujourd’hui.
Réflexions philosophiques sur notre temps
Yves Charles Zarka
Depuis quelques décennies, nous vivons des bouleversements considérables aussi bien par leur rapidité que par leur ampleur. Ils modifient nos conditions d’existence sur tous les plans : personnel, politique, culturel. Au point que la plupart des repères traditionnels qui assurent notre compréhension du monde s’effritent progressivement. Pourtant, les descriptions factuelles de ces phénomènes physiques, sociologiques, démographiques, économiques, politiques, militaires et autres ne manquent pas. Nous pouvons donc en avoir une connaissance précise et souvent chiffrée. Quel peut donc être l’apport de la philosophie ? La tâche propre de celle-ci est, sur la base de ces descriptions d’ordre scientifique, de tenter d’élucider les enjeux et les significations de ces bouleversements au plan existentiel, ainsi que de tracer nos possibilités d’avenir. Il doit en être ainsi pour la reconfiguration du monde à travers les conséquences du changement climatique, les modifications produites par les biotechnologies sur la parenté et l’identité, celles engendrées par les technologies de l’information et de la communication sur nos modes de vie, l’extension de la marchandisation y compris sur le corps humain, les implications de l’intelligence artificielle, la question du rapport entre le cerveau et la pensée, l’apparition d’une nouvelle forme de biopolitique, les nouvelles figures de la violence, mais aussi les nouvelles formes de guerre. La perspective n’est pas d’élaborer une vision systématique de notre condition, d’ailleurs tout à fait impossible, mais de multiplier les points de vue et les approches pour en éclairer certains aspects.
Marseille malade de la peste (1720-1723)
Frédéric Jacquin
La peste de Marseille vint d’Orient en 1720, rapportée par le navire Grand-Saint-Antoine. Elle provoqua la disparition de la moitié de la population, causant près de 50 000 morts. Cet épisode traumatique est connu. Il a fait l’objet de nombreux récits factuels, et ce, dès 1720. Si beaucoup d’entre eux ont été publiés au XVIIIe siècle ou redécouverts au XIXe, certains documents originaux sont restés à l’état de manuscrits et d’accès difficile. C’est à deux d’entre eux, riches en descriptions de cette tragédie épidémique, que ce livre s’intéresse. Il s’agit du Journal de ce qui s’est passé dans la ville de Marseille et son terroir à l’occasion de la peste depuis le mois de mai 1720 jusques en 1723, du père Trinitaire Paul Giraud, et de la Relation de la peste arrivée à Marseille l’an 1720, du négociant Pierre-Honoré Roux. Transcrits et présentés par Frédéric Jacquin, ces deux textes racontent la vie terrible des Marseillais et leurs souffrances pendant plus de deux ans et demi d’une crise particulièrement violente. Relatant les drames humains et les scènes effrayantes de la mortalité de masse, ils évoquent toute une série de micro-récits et d’anecdotes qui rendent compte, de façon très vivante, des temps forts de l’épidémie dans une ville où la société se délite en perdant soudain tous ses repères. Ils racontent également la gestion de la crise sanitaire par les autorités et leur action pour rétablir l’ordre et assurer des secours à la population. Mais surtout, ils proposent un éclairage sur l’année 1722, qui est celle de la « rechute » et sur laquelle existent peu d’écrits. Leur lecture, au-delà des informations de la Grande Peste de Marseille, fournissent un regard très actuel sur la réalité d’une épidémie et les comportements humains en période de crise sanitaire.
Histoire de célibats
Juliette Eyméoud et Claire-Lise Gaillard
Ce livre propose dix portraits de célibataires sur le temps long de l’histoire, du Moyen Âge au XXe siècle. Il part du constat d’une invisibilité des célibataires dans les recherches historiques en France : le célibat y a rarement été perçu comme une variable significative de la vie des individus, ou bien il n’est abordé qu’en négatif du mariage. Sans prétendre à la synthèse, l’ouvrage veut présenter différentes « vies de célibat », historiquement et socialement situées. Penser des individus par leur célibat permet à la fois de comprendre ce qu’être célibataire veut dire selon les époques, quelles pratiques sociales et quelles représentations collectives recoupe cette notion. Cette galerie de portraits incarne donc, par des trajectoires de vies, la progressive formalisation et stigmatisation du célibat face à la norme du mariage.
Repartir. Une philosophie de l'obstacle
Jérôme Lèbre
Nous n’aimons pas les obstacles. Nous les voyons comme des empêchements. Ils nous feraient perdre du temps, mettraient en danger notre vie. Pourtant, les obstacles ne sont pas que des défauts à éliminer : ils sont aussi une des composantes essentielles de nos mouvements et de notre existence. Dès qu’il est question de rester ou de passer quelque part, de trajet ou de migration, de frontière ou de mur, mais aussi de corps-à-corps, de contact entre les chairs, d’épreuve, il y a toujours quelque chose, ou quelqu’un, ou une foule, qui fait obstacle et qu’on ne peut effacer. Pour Jérôme Lèbre, cette omniprésence oblige à poser une question d’une importance capitale : et si le monde était avant tout la somme de ces obstacles ? Et si, par conséquent, plutôt que de les ignorer, il s’agissait avant tout d’apprendre, en les contournant et les surmontant, à en devenir un soi-même – à devenir une résistance aux mouvements d’appropriation ou de destruction ? Et si, en somme, il n’y avait rien de plus politique qu’un obstacle ? Car penser l’obstacle, c’est aussi penser une manière nouvelle de repartir – malgré tout.
En libraire le 19 avril 2023
L'universel après l'universalisme
Markus Messling et Olivier Mannoni
La mise en œuvre coloniale qui en a été faite a fortement discrédité le concept d’universalisme sur le plan politique. Dans le même temps, les idéaux d’une société mondiale cosmopolite, qui vont de pair avec lui, font l’objet d’attaques toujours plus vives des forces nationalistes. Que reste-t-il des idéaux universalistes dans le monde postcolonial ? Comment trouver après l’universalisme européen les approches d’une nouvelle universalité sans laquelle il est impossible d’organiser connaissance et justice dans la société mondiale ? Cette question apparaît comme un problème de mise en forme narrative du monde, ce que certains auteurs de langue française illustrent magnifiquement, à l'instar de Mathias Énard ou Léonora Miano, Camille de Toledo ou Wajdi Mouawad.
Hannah Arendt et la question juive
Michel Dreyfus
Sur l’antisémitisme, le premier volume des Origines du totalitarisme, la trilogie d’H. Arendt, contient de nombreuses erreurs provenant d’une méconnaissance de l’histoire ainsi que d’une large utilisation d’écrits d’extrême droite, antisémites et nazis. Les analyses sur les juifs de cour, l’émancipation des juifs européens, le rôle des Rothschild, la montée de l’antisémitisme en Europe à partir des années 1880 et l’affaire Dreyfus présentée comme une répétition du génocide, sont indéfendables. L’antisémitisme allemand de la fin du XIXe siècle, la Grande Guerre et ses conséquences, la crise de 1929 et le nazisme sont ignorés. Enfin, les juifs seraient responsables de leur malheur. Pourquoi H. Arendt, juive allemande contrainte de fuir son pays en 1933, éprouve-t-elle une telle haine à l’égard des juifs ? Outre son mépris pour l’histoire, l’influence qu'exerce sur elle la pensée de M. Heidegger, du sioniste K. Blumenfeld et de l’historien S. Baron répond à cette question.
Le prisme des réseaux sociaux
Chris Bail
Les plateformes telles que Facebook ou Twitter font aujourd’hui partie des outils incontournables de la création du lien entre les individus. Elles sont utilisées comme des miroirs reflétant notre place dans la société. Pour Chris Bail, elles fonctionnent en réalité davantage comme un prisme qui déforme les comportements et les opinions, et qui donne une visibilité démesurée aux individus les plus extrêmes politiquement. A contrario, il rend les personnes politiquement modérées quasiment invisibles. Cet essai cherche à comprendre les mécanismes à l'oeuvre derrière cette « fausse polarisation » créée par les réseaux sociaux en remettant en question les mythes courants qui abondent dans les médias (campagnes de désinformation étrangère ou rôle de l'algorithme). Avec une argumentation fondée sur des enquêtes et des expériences en psychologie sociale, cet essai est rigoureux, mais accessible et incarné. Il propose des clés pour combattre la polarisation politique sur les réseaux sociaux sans avoir à les quitter.
Traduction de l’américain, Breaking the Social Media Prism, par Laurent Bury. Préface d’Étienne Ollion
En libraire le 26 avril 2023
Voyage à travers la France occupée, 1940-1945
Cécile Desprairies
À partir du recensement de plus de 4 000 lieux de France souvent familiers, département par département, ville par ville, Voyage à travers la France occupée s’attache à redécouvrir ce qu’il s’y est passé pendant l’Occupation (1940-1945), quels hommes et femmes, français et allemands, ont occupé ces lieux, et ce que ces lieux sont devenus. Les découvertes sont parfois surprenantes. Et si la Collaboration était aussi une question de voisinage, de contiguïté ? 190 plans de villes et de départements accompagnent ces parcours dans la France occupée.
Métaphysique de l’Anthropocène, 1. Nihilisme et totalitarisme
Jean Vioulac
Le concept d’Anthropocène s’est aujourd’hui imposé pour désigner une époque au cours de laquelle l’humanité est devenue une puissance globale en mesure d’affecter l’écosystème terrestre. Ce concept requiert une anthropologie philosophique, qui définit l’essence de l’homme par la négativité, pour concevoir son histoire comme un événement métaphysique en lequel un être s’oppose à la nature pour y mettre en œuvre un processus de dénaturation qui s’avère annihilation. Cet événement est ici abordé à partir de la Première Guerre mondiale, conçue comme déchaînement absolu de la monstrueuse puissance du négatif, puis du totalitarisme compris comme système politique en lequel s’est institutionnalisé ce régime de mobilisation totale pour la destruction totale. La généalogie du totalitarisme montre alors que la métaphysique platonicienne en a élaboré le modèle théorique, puis que l’Église catholique médiévale a instauré l’appareil étatique nécessaire pour le réaliser. Le destin du christianisme, dans une troublante analogie avec celui du marxisme, est reconnu comme archétype d’une dialectique tragique, qui est alors analysée en termes métapsychologiques pour la fonder sur la structure psychique de la mélancolie.
Les désillusions de l’ailleurs
Anne-Sylvie Malbrancke
Anne-Sylvie Malbrancke a séjourné chez les Baruya, une tribu isolée de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elle n’a pas d’expérience, ils n’ont pas d’électricité. Elle rêve de rituels et de sorcellerie, leur préoccupation est de ramasser des patates douces... Ce récit de voyage atypique, où la réflexion s’allie à l’humour, raconte la rencontre entre les fantasmes d’une Occidentale et la réalité du quotidien en Papouasie-Nouvelle-Guinée, chez ces anciens cannibales et sorciers christianisés. C’est la rencontre vraie, émotionnelle, physique, anthropologique, avec l’ailleurs. L’auteur, en anthropologie, élève de Godelier et dans la lignée de Descola, insiste sur la nécessité de se décentrer pour accueillir l’autre – ce qui peut être douloureux et périlleux.
La distance
Charlotte Costantino, Hélène Parat, Anaïs Restivo Martin
Que peut nous dire la psychanalyse contemporaine de la question de la distance, et tout particulièrement des enjeux de variations de distance dans la relation à soi-même ou à l’objet, notamment à l’objet « analyste » ? La distance est une notion qui peut ainsi nous permettre de remettre au travail la question de l’intrapsychique et de l’intersubjectif. Une lecture élargie de Freud, et en particulier Psychologie des masses et analyse du Moi (1921), nous invite à entendre ses allers-retours entre une conception purement intrapsychique de l’appareil psychique et une conception où l’objet, voire l’environnement, ont une place essentielle dans la construction psychique interne. Freud se réfère à la parabole des porcs-épics de Schopenhauer et écrit : « Nous nous figurons bien comment les hommes, en général, se comportent affectivement les uns envers les autres. D’après le célèbre apologue Schopenhauer des porcs-épics transis de froid, aucun ne supporte de l’autre un rapprochement trop intime. » Il montre ainsi sa préoccupation pour les enjeux d’écart, de distance, de rapprochement et d’éloignement entre les individus… En effet, deux souffrances menacent le sujet humain : trop près/trop loin ; trop proche/trop distant ; intrusif/absent ; trop chaud/trop froid… Ces polarités parlent implicitement de ce qui peut mettre en péril fondamentalement la vie psychique. Ce volume se propose d’en explorer les énigmes et le sens, mais aussi de montrer la mise au travail de ces questions dans le processus analytique.