Sociologies
Présentation
Fondée en 1977 par François Bourricaud et Raymond Boudon, la collection « Sociologies » a publié trente ans après plus de 130 titres et ouvert ses pages à des auteurs bien établis autant qu’à de jeunes auteurs. La collection compte aujourd’hui 130 titres. Elle inclut de nombreux ouvrages traduits de l’allemand et de l'anglais. S’y côtoient des travaux d’histoire de la pensée, de sociologie de la connaissance et de théorie sociologique générale, mais aussi des travaux sur les processus sociaux, les inégalités, les mouvements sociaux, les sentiments de justice, les valeurs ou encore des recherches sur la société globale, de même que des études sur des questions de société : vieillissement, éducation, criminalité, sport ou pauvreté. La collection est devenue ainsi une véritable vitrine de la sociologie contemporaine dans sa dimension scientifique. S’agissant des grands classiques de la sociologie, la collection « Sociologies » a fait connaître en France l’œuvre de Georg Simmel et accordé une place éminente à deux grands noms, Émile Durkheim et Max Weber, dont on a cherché à montrer en quoi leur pensée est encore vivante, utile pour notre époque et susceptible d’être prolongée dans des directions nouvelles. On y découvre un nouveau Durkheim, non pas le holiste convenu qui apparaît trop souvent dans les manuels de sciences sociales, mais plutôt un auteur qui propose des éléments d’une véritable sociologie de l’action au sens contemporain. La collection a aussi offert la traduction d’autres auteurs allemands classiques, tels Werner Sombart et Max Scheler, ainsi qu’un ouvrage sur Dilthey, une interprétation « individualiste » de l’œuvre de Karl Marx et une discussion informée de l’œuvre de Troeltsch. Deux livres sont parus sur Vilfredo Pareto. Une étude sur Tocqueville traite du problème controversé de la relation entre les deux volumes de la Démocratie en Amérique. La collection Sociologies a aussi rendu accessibles en traduction française plusieurs ouvrages d’auteurs américains contemporains, maintenant considérés classiques, comme Daniel Bell, Lewis Coser, Albert Hirschman, Christopher Jencks, Robert Nisbet, Mancur Olson et Thomas Schelling, sans oublier quelques sociologues britanniques, allemands ou israéliens : Anthony Giddens, Hans Albert, Joseph Ben-David ou Shmuel Eisenstadt. Ces auteurs ont aussi en commun le projet d’élaborer une sociologie qui donne une place à la rationalité des acteurs, chacun à sa manière. Si cette collection a accordé une grande importance à la relecture des sociologues classiques, c’est qu’elle entendait s’en inspirer pour contribuer au développement de la sociologie et des autres sciences sociales. D’où son ouverture à des thèmes très larges susceptibles d’intéresser autant les philosophes que les spécialistes du droit, de la morale ou de la science économique. Mais contrairement à la nouvelle école de Chicago, qui entend reconstruire les sciences sociales autour de la notion de rationalité instrumentale, les publications de la collection « Sociologies » proposent plutôt d’élargir la notion de rationalité, dans le fil de la tradition wébérienne, et d’élaborer des perspectives théoriques donnant toute sa place à l’intentionnalité des acteurs et remettant en question les déterminismes sociaux. C’est en partie sous l’influence de cette collection que la sociologie française contemporaine est moins réticente aujourd’hui qu’hier à faire des faits sociaux les effets d’actes intentionnels et rationnels, au sens large du mot. Les analyses empiriques publiées dans « Sociologies » attestent la fécondité de ce point de vue affirmé, dès la publication des premiers ouvrages, dans un contexte qui n’était nullement propice à la réception de cette perspective. Comme l’a écrit Simon Langlois, l’un des sociologues québécois les plus en vue, « la relecture des premiers livres de la collection parus à la fin des années 1970 et au début des années 1980 révèle qu’ils ont conservé une étonnante fraîcheur et qu’ils parlent encore aux contemporains, ce qui n’est pas toujours le cas des livres qui retenaient l’attention des médias ou de certains critiques de l’époque ». Les phénomènes cognitifs occupent une place centrale dans les recherches théoriques publiées dans « Sociologies » et ils ont été scrutés sous plusieurs angles. Leur étude engage la sociologie sur la voie de l’analyse des raisons de l’action humaine plutôt que vers l’étude des causes ou l’examen de relations statistiques, à la manière de la sociographie purement descriptive. L’analyse des croyances y tient une grande place et prend la forme, soit d’ouvrages théoriques, soit de monographies traitant de sujets spéciaux, comme l’antisémitisme. Tocqueville a justement déclaré : « L’homme n’a pas que des intérêts ; il a aussi des idées et des sentiments ». Or, c’est précisément au rôle des idées et des sentiments des individus dans la genèse des faits sociaux que nous convient bon nombre d’auteurs de cette collection, dans une perspective tant empirique que théorique. Les ouvrages publiés dans la collection « Sociologies » relèvent-ils d’un paradigme commun ? Le lecteur pressé répondra que « l’individualisme méthodologique » oriente les travaux de ses auteurs. La réponse est juste, mais trop rapide. Les auteurs de cette collection ne forment pas une école de pensée unifiée. Ils mettent en œuvre un programme de recherches qui exclut tout dogmatisme, laisse la porte ouverte aux idées neuves et favorise même l’expression de points de vue divergents. Dix-neuf ouvrages ont été publiés dans la série rouge de la collection, textes plus appliqués et aussi plus critiques, visant un large public. Leurs auteurs ont placé la vie intellectuelle française des années 1945-1968, les travaux de Foucault, le structuralisme, la psychanalyse, diverses visions et décisions politiques ou entrepreneuriales, sous la loupe de la sociologie cognitiviste qu’illustre la collection.
Grands textes
La collection « sociologies » a grandement contribué à rendre accessible au public français l’œuvre de celui qui, à côté de Max Weber, est considéré comme le plus grand sociologue allemand, Georg Simmel. Elle inclut quatre ouvrages dont deux de ses chefs d’œuvre : Les Problèmes de la philosophie de l’histoire, l’une des plus grandes contributions jamais écrites sur la méthodologie des sciences sociales, et Philosophie de l’argent, une vaste étude sur la naissance, l’évolution et les effets du moyen d’échange qu’est l’argent. La collection comprend encore de grands textes d’Augustin Cochin, de Werner Sombart ou de Max Scheler. Parmi les textes des sociologues modernes, elle a mis à la disposition du public les importantes Etudes sociologiques de Raymond Aron, La Fin de l’idéologie de Daniel Bell, La logique de l’action collective de Mancur Olson, La tyrannie des petites décisions de Thomas Schelling ou Les Fonctions du conflit social de Lewis Coser.
Grands sociologues
La collection propose plusieurs études de référence sur l’actualité des grands livres d’Emile Durkheim, Karl Marx, Max Weber, Vilfredo Pareto, Georg Simmel, des analyses critiques originales sur Sigmund Freud, celle de Michel Lobrot, L’Anti-Freud et la désormais classique d’Ernst Gellner sur La Ruse de la déraison, le livre de Wilhelm Hennis sur La problématique de Max Weber ou celui de Merquior sur Michel Foucault ou le nihilisme de la chaire.
Théorie sociologique
La collection a grandement contribué au développement d’une sociologie donnant à la cognition une place essentielle, comme en témoigne notamment l’ouvrage collectif publié sous la direction de Raymond Boudon, Alban Bouvier et François Chazel sur Cognition et sciences sociales. Cette sociologie se distingue de celle qui est influencée par l’utilitarisme, que critique Pierre Demeulenaere dans son Homo œconomicus, comme celle d’inspiration déterministe. Elle propose une orientation théorique générale dont plusieurs ouvrages de la collection montre son efficacité dans l’analyse de grands problèmes sociologiques comme : la mobilité sociale, le contrôle social du crime, l’organisation politique, l’action collective et les mouvements sociaux, les nationalismes, les sentiments de justice, la sociologie de l’art, le thème de la culture et de la nature humaine.
Vie sociale
La collection inclut des ouvrages reposant sur des enquêtes empiriques et concernant divers aspects de la vie sociale : croissance et décroissance du crime, pratique de la médecine en prison, études sur le monde des étudiants, sur le monde des enseignants, sur les architectes et la demande publique, sur les gens de la banque, sur l’histoire du taylorisme, sur le système éducatif français et sur ses changements dans le temps, sur la naissance de l’entreprise moderne, sur l’antisémitisme et sur bien d’autres thèmes.
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Directeurs de la collection
La collection « Sociologies » est dirigée par Raymond Boudon et Mohamed Cherkaoui