Umberto Eco : Livres et Livres Numériques (Ebook) - Bibliographie | PUF  

Umberto Eco

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Cet article provient du Dictionnaire des sciences humaines, sous la dir. de Sylvie Mesure et Patrick Savidan, Paris, PUF, coll. “ Quadrige/Dicos poche ”, 2006.

ECO Umberto, 1932

Né à Alessandria le 5 janvier 1932 et formé à l’école de l’esthéticien et herméneute Luigi Pareyson, Umberto Eco débute avec une thèse sur saint Thomas d’Aquin (Le Problème esthétique chez Thomas d’Aquin [1956] 1993). Dans un premier temps, il s’intéresse à la scolastique médiévale (Art et beauté dans l’esthétique médiévale [1959] 2002), pour se tourner très vite vers l’art d’avant-garde (L’Œuvre ouverte [1962] 1979). Ce livre – sans doute, l’un des plus marquants de ses débuts – est révélateur des problématiques sémiotiques à venir. Eco tire toutes les conséquences de la multiplicité des interprétations qui sont demandées par la production des œuvres contemporaines, tout en les attribuant à leur organisation interne. Ainsi, même si le mot “ structure ” n’apparaît pas dans ce texte, la collaboration au numéro monographique de la revue Communication – consacré à L’Analyse structurale du récit (1966) – consolide chez Eco l’écoute de la naissante sémiotique structurale française. En particulier, les écrits de R. Barthes, dont Les Mythologies lui inspireront tout une série d’articles brefs recueillis dans Pastiches et postiches ([1963] 2005), et plus tard une étude de la culture et des communications de masse (Apocalittici e integrati [1964] 1977).

Sa découverte de la sémiologie combine les acquis de la vague structuraliste et une prise de distance, sinon une véritable polémique, envers la notion de “ structure ” et le “ structuralisme ”. Par ailleurs, cette position transparaît dans le titre même de La Structure absente ([1968] 1984). Plutôt que vers les systèmes de signification et le texte, sa recherche sémiotique se tourne vers le concept de signe, suivant ainsi les auteurs américains, comme Peirce et Morris (Le Signe [1971] 1998). La systématisation des acquis de cette première période est publiée quelques années plus tard dans La Production des signes ([1975] 1992). Sans renier pourtant les positions de Saussure et Hjelmslev, mais sous l’influence du philosophe C. S. Peirce, ce livre propose une définition de la sémiotique comme “ théorie des signes ” et pose un partage net entre une théorie des codes et une théorie des modes de production des signes : les uns sont considérés comme fixes et statiques, et les autres, différenciés par la dynamique de leur production. Vraisemblablement, ce partage lui est suggéré par l’expérience de l’innovation esthétique, qui a pour but de transgresser et dynamiser les codes. Eco reviendra encore sur le signe, mais cette fois en essayant d’en reconstruire l’archéologie. En dépassant ainsi l’histoire plus récente de ce concept, il se tourne vers Platon, Aristote et les Stoïciens pour montrer que, même d’un point de vue historique, la relation entre l’Expression et le Contenu est une relation d’inférence plutôt que d’équivalence. Une autre innovation est à souligner : afin d’approcher les configurations discursives plus complexes, Eco tente d’étendre les propriétés du “ signe ” au “ texte ”, sans avoir pourtant à revenir sur sa définition de la “ sémiotique ”. Ces positions sont résumées et publiées dans l’entrée “ Segno ” de l’Enciclopedia Einaudi (1981 ; maintenant in Sémiotique et philosophie du langage [1984] 2001).

En raison du développement des théories narratives et textuelles, au cours des années 1970 – en particulier par les formalistes, la narratologie de Genette et la sémiotique de Greimas et de son École –, Eco conçoit une théorie de la réception qui compare l’interprète qui est hors du texte au “ lecteur modèle ”, tel qu’il est construit à l’intérieur du texte. En posant au centre de cette étude le destinataire, l’auteur souligne en définitive l’importance de la coopération interprétative. Le texte est alors une machine paresseuse qui, pour fonctionner, nécessite l’intervention active de son récepteur, qui est ainsi chargé d’en remplir les espaces vides (Lector in fabula [1972] 1985 ; voir plus tard, les Notes sur la sémiotique de la réception, de 1987 et, dans cette même direction, les conférences américaines éditées dans Six Promenades dans les bois du roman et ailleurs [1994] 1998). Au début des années 1990, cette réflexion autour de la réception et de l’interprétation constituera le sujet d’une recherche qui se poursuivra par Les Limites de l’interprétation ([1990] 1994), et plus tard dans Interprétation et surinterprétation ([1992] 2002). L’année suivante Eco publiera La Recherche de la langue parfaite ([1993] 1997), ouvrage qui essaye de rendre compte de cette aspiration de l’homme, tout au long des siècles, à construire une langue qui est, en même temps, idéale et artificielle.

La problématique philosophique, toujours présente chez Eco qui, à plusieurs reprises, définit la sémiotique générale comme philosophie du langage, revient plus clairement dans Kant et l’ornithorynque ([1997] 2001). La question de l’Être sémiotique – abordée dans I limiti dell’interpretazione comme résistance du texte à une interprétation libre – devient ici centrale. Il s’agit d’établir dans quelle mesure la perception du référent dépend de la compétence cognitive et linguistique.

À partir des années 2000, Eco poursuit des réflexions qui relèvent de sa pratique d’écrivain. Ces études sont collectées d’une part dans De la littérature ([2002] 2005) de l’autre dans Dire quasi la stessa cosa (2003). Sans proposer une véritable théorie, il réfléchit à partir de sa propre expérience de traducteur et d’auteur lui-même parmi les plus traduits (depuis sa parution, en 1980, son premier roman, Le Nom de la rose, a été édité dans plus de quarante langues).

Donner une définition univoque d’Umberto Eco n’est pas facile. Il est, en même temps, critique, traducteur, sémiologue renommé, “ mass-médiologue ”, écrivain à succès, journaliste d’opinion. Il compte sûrement parmi les hommes de culture les plus connus et reconnus en Europe et dans le monde (en France seulement, il est membre de l’Académie universelle des cultures de Paris, a obtenu le prix Médicis et le prix Méditerranée étranger, ainsi que la légion d’honneur en 2003). Figure protéiforme d’humaniste du xxe siècle, de par son intérêt aussi bien pour les sciences humaines que pour l’informatique, il condense ainsi toutes les qualités du savant du siècle à venir.

 

l Le Problème esthétique chez Thomas d’Aquin (1956), trad. M. Javion, Paris, puf, 1993. — Art et beauté dans l’esthétique médiévale (1959), trad. M. Javion, Paris, Libraire générale française, 2002. — L’Œuvre ouverte (1962), trad. C. Roux de Bézieux, Paris, Seuil, 1979. — Pastiches et postiches (1963), trad. B. Guyader, Paris, Libraire générale française, 2005. — Apocalittici e integrati (1964), Milan, Bompiani, 1977. — La Structure absente (1968), trad. U. Esposito-Torrigiani Paris, Mercure, 1984. — Le Signe (1971), trad. J.-M. Klinkenberg, Paris, Livre de Poche, 1998. — La Production des signes (1975), Paris, Livre de Poche, 1992. — Lector in fabula (1972), trad. M. Bouzaher, Paris, Grasset, 1985. — Sémiotique et philosophie du langage (1984), trad. M. Bouzaher, Paris, puf, 2001. — “ Notes sur la sémiotique de la réception ”, Actes Sémiotiques, 1987, vol. 9, no 81. — Les Limites de l’interprétation (1990), trad. M. Bouzaher, Paris, Librairie générale française, 1994. — Interprétation et surinterprétation (1992), trad. J.-P. Cometti, Paris, puf, 2002. — La Recherche de la langue parfaite dans la culture européenne (1993), trad. J.-P. Manganaro, Paris, Seuil, 1997. — Six promenades dans les bois du roman et ailleurs (1994), trad. M. Bouzaher, Paris, Librairie générale française, 1998. — Kant et l’ornithorynque (1997), trad. J. Gayrard, Paris, Librairie générale française, 2001. — De la littérature (2002), trad. M. Bouzaher, Paris, Libraire générale française, 2005. — Dire quasi la stessa cosa, Milan, Bompiani, 2003.

 

Jacques Fontanille & Alessandro Zinna 

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