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Laurent Bonnefoy

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Cet article provient du Dictionnaire universel des littératures, volume 1, sous la dir. de Béatrice Didier, Paris, PUF, 1994.
Mise à jour prévue.

BONNEFOY Yves, né en 1923

Poète et critique français. Une même tension fondamentale anime la formation intellectuelle, la réflexion critique et l’œuvre poétique de Bonnefoy, partagé entre la séduction des formes et le souci de rejoindre le réel dans ce qu’il a de plus précaire et de plus contingent.

La formation

Bonnefoy fut d’abord attiré par “ les mathématiques sévères ”, qui organisent le monde et la pensée selon les lois du nombre. Mais il s’en détourna très vite au profit de la philosophie, qui lui fit découvrir à la fois la puissance du concept (Platon*, Hegel) et les voies de sa remise en cause (Kierkegaard*, Chestov*). Cette double formation ne fit que renforcer sa méfiance à l’égard des systèmes abstraits, qui laissent échapper l’opacité de l’existence concrète, vers laquelle Bonnefoy cherchera l’accès dans l’art et dans la poésie.

Il adhère un moment (1943-1947) au surréalisme*, qui faisait pièce au règne du concept ; mais il découvre bientôt que l’écriture automatique, à sa manière, s’évade hors du réel pour bâtir un monde clos de signes et d’images. Il se tourne vers les grands précurseurs de la modernité ; à la préoccupation exclusive des pouvoirs du langage, qu’il dénonce chez Mallarmé* et Valéry*, il préfère la tentative tragique d’adhésion au monde et d’incarnation qu’il admire chez Baudelaire* et chez Rimbaud*.

Ce vœu d’immédiateté, la peinture, délivrée des médiations linguistiques, n’était-elle pas mieux à même de le satisfaire ? En Italie, Bonnefoy découvre un art qui s’identifie avec un lieu. Mais les grands peintres de la Renaissance lui apparaîtront bientôt déchirés eux aussi entre l’ouverture au sensible et l’élaboration de formes intelligibles. La peinture n’ignore pas ce conflit entre image et présence, que Bonnefoy, à l’exemple de Duthuit, placera au cœur de sa réflexion.

L’œuvre critique

L’activité critique de Bonnefoy est indissociable de sa pratique poétique. A travers les œuvres des autres, il constitue sa propre esthétique. Il reprend les mêmes questions fondamentales de La Chanson de Roland* à Mallarmé, de Bellini à Chirico ; car son propos est plus théorique qu’historique ou critique (sauf dans de grandes monographies, comme Rimbaud par lui-même, Éd. du Seuil, 1961, ou Rome en 1630, Flammarion, 1970). Histoire de l’art et poétique convergent vers une problématique commune : comment rétablir les droits de la présence contre la prétention du langage et de l’image à se constituer, dans l’œuvre d’art, en univers autonome ? Il s’agira souvent pour le critique de surprendre, dans la structure des œuvres étudiées, le défaut qui les empêche de se clore sur elles-mêmes et qui réintroduit en elles la contingence. Ainsi, dans la peinture de la Renaissance, la perspective, censée assurer la cohérence de la représentation, la perturbe fréquemment. En poésie, Bonnefoy privilégie les procédés qui permettent de “ maintenir quelque chose d’ouvert, de troué dans la substance verbale ”. Il fait ainsi l’éloge du e muet, dont l’instabilité déconcerte la métrique française. A l’encontre d’une valorisation contemporaine de l’absence et de l’écriture (Blanchot*, Derrida*), il propose de “ désécrire ”, et réhabilite la “ voix transitive ”, qui fait du poème une “ parole ”, en prise sur le monde, et adressée à autrui.

L’œuvre poétique

Ce qui fait l’unité de l’œuvre poétique, c’est d’abord cette présence d’ “ une voix ” (ainsi s’intitulent plusieurs poèmes), qui sollicite l’écoute par sa gravité, et qui invite le lecteur à interroger cela qu’elle désigne sans le définir (faisant primer la nomination sur la signification). Cette oralité s’appuie sur le respect des structures essentielles du mètre et de la syntaxe, qui soulignent les accentuations de la langue. Mais à proportion même de l’aisance avec laquelle il se coule dans les formes traditionnelles, Bonnefoy s’avère soucieux d’en rompre l’équilibre et l’harmonie : d’où l’alternance ménagée parfois entre prose et vers, et, à l’intérieur de mètres le plus souvent binaires, l’intervention du hiatus, de l’impair, des chevilles : “ l’imperfection est la cime ”. La violence et l’opacité des métaphores, dans Du mouvement et de l’immobilité de Douve (1953) et Hier régnant désert (1958), achèvent de ruiner l’apparence classique de cette poésie. Une évolution se dessine à la fin de Pierre écrite (1965) et avec Dans le leurre du seuil (1975). Dans ce dernier recueil surtout, la forme se fait plus souple : mètres plus variés, syntaxe plus complexe, lexique plus large. Bonnefoy n’éprouve plus le besoin de contester la forme de l’extérieur par toutes sortes de ruptures : c’est en la transformant de l’intérieur qu’il la maintient à l’état d’ouverture. Signe d’une plus grande confiance dans le langage, dans sa fonction de communication, “ parole décrucifiée ”. L’imaginaire lui-même semble mieux accepté : il demeure un détour nécessaire pour atteindre la vérité profonde d’une existence, dans les Récits en rêve. Dès lors, la présence, qui ne pouvait s’inscrire dans les premiers recueils que comme négativité, sous les espèces de la mort et dans la rupture violente de l’instant, s’infiltre de manière plus continue et plus positive, au risque parfois d’une moindre densité. “ Ce qui fut sans lumière ” s’éclaire, et à l’ “ idéalisme ” renversé succède une volonté de concilier le sensible et l’intelligible.

 

u L’Improbable, Paris, Mercure de France, 1959. — Un rêve fait à Mantoue, Paris, Mercure de France, 1967. — Le Nuage rouge, Paris, Mercure de France, 1977. — Poèmes, Paris, Mercure de France, 1978. — La Présence et l’Image, Paris, Mercure de France, 1983. — Ce qui fut sans lumière, Paris, Mercure de France, 1987. — Récits en rêve, Paris, Mercure de France, 1987.

 

l M. Fink, Yves Bonnefoy, le simple et le sens, Paris, José Coni, 1989. — J. E. Jackson, Yves Bonnefoy, Paris, Seghers, 1976. — J.-P. Richard, Onze études sur la poésie moderne, Paris, Éd. du Seuil, 1964, 207-232. — J. Thélot, Poétique d’Yves Bonnefoy, Genève, Droz, 1983.

M. Collot

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