Jean Carbonnier : Livres et Livres Numériques (Ebook) - Bibliographie | PUF  

Jean Carbonnier

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Jean Carbonnier (1908-2003) a été professeur à l’université de Poitiers de 1937 à 1955 puis à Paris de 1955 à 1976. Outre ses nombreux écrits et ses manuels, il fut un législateur ayant contribué à renouveler profondément le Code civil, ainsi que l’inspirateur libéral du droit familial dans les années 70.

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Cet article provient du Dictionnaire historique des juristes français, sous la dir. de P. Arabeyre, J.-L. Halpérin et J. Krynen, Paris, Puf, 2007.

CARBONNIER Jean, né le 20 avril 1908 à Libourne (Gironde), mort le 28 octobre 2003 à Paris

 

Professeur à la faculté de droit de Poitiers (1937-1955), dont il a été le doyen, puis de Paris (1955-1976), très éminent civiliste, il est l’auteur d’un célèbre Manuel de droit civil (puf, coll. “ Thémis ”) en cinq volumes thématiques (Introduction, Les personnes, La famille, Les biens, Les obligations) qu’il a réédité avec soin (et avec succès) pendant un demi-siècle et jusqu’à l’extrémité de ses forces (1re éd., 1955 ; 27e et dernière édition refondue du vol. I, Introduction, en 2002 ; l’ensemble du Manuel, dans sa dernière version, est désormais publié en 2 vol., coll. “ Quadrige ”, 2004). En outre, il a contribué à donner à la sociologie du droit ses lettres de noblesse, tant à travers ses ouvrages, Sociologie juridique (A. Colin, 1972 et puf, “ Thémis ”, 1978, rééd. refondue “ Quadrige ”, 1994 et 2004) et Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur (lgdj, 1969, 10e éd. 2001), qu’au sein du Laboratoire de sociologie du droit et du dea de sociologie du droit de l’université Paris II. Juriste de rayonnement international (spécialement au Canada, et en Italie, où sa sociologie du droit fit nombre d’émules), J. Carbonnier a été aussi “ jurislateur ”, auteur des avant-projets de lois de réformes du droit de la famille français durant plus d’une décennie (Tutelle et Administration légale, 1964 ; Régimes matrimoniaux, 1965 ; Adoption, 1966 ; Incapables majeurs, 1968 ; Autorité parentale, 1970 ; Filiation, 1972 ; Divorce, 1975) et, au-delà, inspirateur de l’esprit de ces réformes fondamentales (qu’il expose dans ses Essais sur les lois, Defrénois, 1979, 2e éd. 1995 ; 3e éd. 2005), qui d’ailleurs ne rompent pas, sous l’influence de leur auteur et malgré ce qu’en dirent les critiques, avec une certaine tradition juridique. Celui qui est compté comme “ un des plus grands maîtres de la pensée juridique et de la pensée contemporaine ” (Ph. Malaurie), aura été également, bien qu’il s’en soit défendu, un “ philosophe du droit ”, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire un “ chercheur de sagesse ” dans l’activité juridique, qu’elle soit théorique ou pratique, en d’autres termes à travers la conception du droit et la production du droit.

La conception du droit. – J. Carbonnier apparaît comme un grand juriste paradoxal, puisqu’il a dénoncé à la fois l’excès de droit et, ce qui est souvent son corollaire, le fétichisme juridique. La première partie de Flexible droit s’ouvre sur cette affirmation : “ Il y a plutôt trop de droit. ” L’excès de droit est un cercle vicieux produit ou du moins entretenu parles juristes eux-mêmes. Cette “ inflation du droit ” a d’ailleurs connu son apogée depuis l’époque où J. Carbonnier a professé à la faculté de droit de Paris, où il a constaté “ la passion d’une République pour toujours plus de droit ”, une “ passion fusionnelle ” qui, bien au-delà du civique “ amour des lois ”, a conduit cette cinquième république “ à se faire elle-même droit ”, à “ pousser la passion du droit jusqu’à s’identifier à lui ” (Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, 1996). Or, cette “ passion des lois ” est éminemment dangereuse. En réaction, le juriste J. Cartonnier se fait sociologue, apôtre du “ non-droit ” et du “ droit flexible ”. “ L’hypothèse du non-droit ”, du “ retrait ou de la retraite du droit ”, ou encore de son “ repli stratégique sur d’autres systèmes de normes ”, est élaborée contre le “ panjurisme ”( “ qui nous porte à voir du droit partout, sous chaque relation sociale ou individuelle ” ). Quant au “ droit flexible ” , il met à jour la véritable nature du droit, au-delà des stéréotypes traditionnels. J. Carbonnier dédie d’ailleurs son ouvrage homonyme à cette “ revanche ” du droit contre son image de rigueur, de raideur. La conception du droit de J. Carbonnier est fondée sur une philosophie personnelle bien particulière, mais en parfaite cohérence avec sa vision du droit. Celle d’un homme de foi (protestante en l’occurrence), ayant adopté un point de vue à la fois pessimiste (ou réaliste ?), sceptique, empiriste, mais humaniste et tolérant, qui fait des mœurs un déterminant du droit, sans pour autant lui refuser toute valeur axiologique et politique : “ Sachant qu’il [le droit] a été donné pour brider le mat, les juristes en useront sans complexe ; sachant qu’il est porteur du mal, ils en useront avec sobriété. ” D’où la solution du non-droit : “ Praticiens, magistrats, législateurs, tous les juristes, instruits au mal, observeront, dans l’exercice de leur vocation, une auto-limitation salutaire : au cœur de cette auto-limitation éclorera le non-droit. ”

La production du droit. – J. Carbonnier a été un grand “ jurislateur ”, un important “ producteur de droit ”, ce qui est – encore une fois – paradoxal, étant donné sa conception du droit, mais qui a eu des résultats juridiques heureux. Toutes les réformes du droit de la famille qui ont eu lieu entre 1964 et 1975 (cf. supra) portent sa marque, puisqu’il en a rédigé les avant-projets (à l’initiative initiale du garde des Sceaux J. Foyer). Une empreinte, un esprit qu’il a lui-même théorisé dans ses manuels, dans Flexible droit et les Essais sur les lois (y lire spécialement “ Tendances actuelles de l’art législatif en France ”). Premier trait de méthode, l’empirisme, que Carbonnier emprunte à Montesquieu*. Ainsi, la réforme du divorce de 1975 a-t-elle été précédée d’une vaste enquête sociologique. Deuxième trait de méthode (d’ailleurs fortement corrélé au premier), un certain libéralisme pluraliste, une profonde “ tolérance ” à l’égard de la diversité sociologique et idéologique de la France, diversité d’ailleurs constatée scientifiquement. Par conséquent, si “ beaucoup [adeptes – progressistes ou conservateurs – de la loi ” pédagogique “ ] auraient souhaité, pour toutes les familles françaises, une structuré impérativement uniforme [...], loin de ces utopies égalitaires, les textes ont misé résolument sur la diversité de la France, sur la pluralité des tempéraments, des convictions, des traditions ”. Enfin, la recherche de “ compromis ” ( “ ce que L’Esprit des lois appelle esprit de modération ” ) entre, d’un côté, les aspirations individualistes, égalitaires et libérales de l’époque, et, d’un autre côté, la tradition sociale ( “ toutes les familles ne sont point incertaines, ni éclatées ” ) et juridique, qui s’exprime notamment à travers le maintien de certains principes de justice. D’où le régime matrimonial impératif minimal, le maintien du divorce pour faute, de la séparation de corps pour les époux catholiques, la vérification judiciaire du caractère réel et définitif de la volonté commune de divorcer et de la préservation de “ l’intérêt de l’enfant ”, etc. C’est sans doute en cette recherche de compromis que la conception du droit et de “ l’art législatif ” de J. Carbonnier, ainsi que les réformes juridiques qu’il a préparé, résistent le mieux aux critiques qui lui ont été adressées, tant celles des “ progressistes ” qui auraient désiré un droit totalement “ modernisé ”, que celles, à l’autre extrémité, des juristes traditionalistes et conservateurs qui ont critiqué ce “ pluralisme législatif ” , et ont accusé J. Carbonnier de “ sociologisme aveugle ” (alignement du droit sur le fait, sur les mœurs, même les plus “ pernicieux ”), conduisant à faire de son “ droit flexible ” un “ droit perverti ” (A. Sériaux). Face à ces accusations, J. Carbonnier s’est défendu avec pertinence (comment imposer un modèle unique dans une démocratie individualiste, libérale et pluraliste ?), mais surtout avec sagesse (v. not. Introduction, no 82), et avec amour : ainsi affirme-t-il, dans la préface du premier volume de son Manuel de droit civil, qu’au-delà des parti pris personnels qu’il présente, il faudra le lire comme exprimant “ une sympathie très profonde pour toutes les opinions qui divisent la doctrine, pour tous les sentiments qui font la France ”.

Cette sympathie pour la France s’exprimera spécialement à travers l’intérêt que portera J. Cartonnier au Code civil, “ œuvre nationale ” de “ compromis ” entre l’Ancien Régime et la Révolution, entre la tradition juridique et sociale et les principes révolutionnaires issus de la philosophie individualiste et libérale des Lumières, synthèse juridique de rayonnement mondial conçue et écrite avec “ sobriété ”, en accord avec une philosophie législative modeste et empirique (qu’il partage et qu’il a appliquée dans le cadre des réformes du droit de la famille évoquées plus haut), et ayant acquis la force d’une véritable “ constitution civile ” (cf. ibid., nos 74 et s. ; “ Le Code civil en tant que phénomène sociologique ”, RRJ, 1981 ; “ Le Code civil ”, dans Les lieux de mémoire, dir. P. Nora, t. II, La Nation, vol. 2, Gallimard, 1986 ; rééd. Quarto, 1997). Un Code qu’il aimait, dont il n’aura malheureusement pas pu assister au bicentenaire, mais sur lequel il aura pu écrire des pages lumineuses in extremis, par anticipation (v. “ Le Code civil des Français dans la mémoire collective ”, dans 1804-2004. Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, Dalloz - Université Paris II, 2004 ; ainsi que la postface à Homo civilis cité infra).

u C. Atias, “ Le mythe du pluralisme civil en législation ”, RRJ, 1982 ; M. Douchy, “ La notion de non-droit ”, RRJ, 1992 ; A. Sériaux, “ Question controversée : la théorie du non-droit ”, RRJ, 1995 (minutieuse analyse critique d’un point de vue jusnaturaliste catholique) ; S. Andrini et A.-J. Arnaud, Jean Carbonnier, Renato Treves et la sociologie du droit : archéologie dune discipline, entretiens et pièces, Paris, 1995 ; Ph. Malaurie, Anthologie de la pensée juridique, Paris, 1996 ; J.-F. Niort, “ Jean Carbonnier : une philosophie juridique de la tolérance ”, dans Tolérance, pluralisme et histoire, dir. P. Dumouchel et B. Melkevik, Paris, 1998 ; J.-F. Niort, Homo civilis. Contribution à l'histoire du Code civil français (thèse, Paris I, 1995), préface J.-L. Halpérin, postface J. Carbonnier, PUAM, 2004, 2 vol. ; R. Verdier, Droits et Cultures, 2004-1 (“ In Memoriam ”, recueil de citations, p. 231-235) et 2004-2 (transcription d’entretiens, p. 231-251) ; Fr. S. Nisio, Jean Carbonnier. Regards sur le droit et le non-droit, Paris, 2005 ; F. Terré, préf. au vol. 48 des APD, 2005 (où l’a. rappelle les nombreuses contributions de J. Carbonnier à cette revue, et, au-delà, met en lumière le philosophe du droit) ; J.-F. Niort, V° “ Jean Carbonnier. Flexible droit ”, dans le Dictionnaire des grandes œuvres juridiques, Paris, 2008 (qui complète la présente notice).

J.-F. Niort

 

Bibliographie de Jean Carbonnier

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