Jacques Ellul

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Cet article provient du Dictionnaire des philosophes, sous la dir. de Denis Huisman, 2e édition revue et augmentée, Paris, PUF, 1993. ELLUL Jacques, 1912-1994 Penseur français. Docteur en droit (1936), agrégé des facultés de droit (1943), il fut nommé professeur à la Faculté de Droit de Bordeaux en 1944 et à l’Institut d’Études politiques trois ans plus tard. Directeur de la revue Foi et Vie, Jacques Ellul a activement participé à la vie de l’Église réformée en France, au Synode national et au Conseil national. Le phénomène technique, défini comme “ recherche en toute chose de la méthode absolument la plus efficace ”, constitue l’ “ enjeu du siècle ” (La technique, p. 19). Sa caractéristique est de “ chercher ” à s’appliquer (ce qui est techniquement possible se réalisera inéluctablement) ; son projet est de “ dépouiller, mettre au clair, puis utiliser en rationalisant, transformer toute chose en moyen ” (ibid., p. 130) ; sa puissance est de faire accepter ce projet comme justifiable par lui-même. Son essence se résume alors dans cette formule : “ La technique est en soi suppression des limites. Il n’y a, pour elle, aucune opération ni impossible ni interdite ” (Le système technicien, p. 167). Réalité autosuffisante, la technique impose ses normes comme autant d’exigences auxquelles doit se soumettre toute activité – de l’État à la justice et à l’économie, en passant par la pédagogie ou les divertissements. Obéissant à une volonté de progresser, la technique s’auto-engendre et l’homme lui est livré. Au sein de l’auto-accroissement technicien, le sujet humain (individuel ou collectif) devient le vecteur de la croissance technique et non plus le maître destinateur : l’application des techniques des sciences humaines à l’école, au travail, à la publicité, etc., en est une parfaite illustration. Une telle autonomie de la technique se manifeste inévitablement à l’égard de la morale et des valeurs spirituelles. “ La technique ne supporte aucun jugement, n’accepte aucune limitation (...) elle se situe en dehors du bien et du mal ” (ibid., p. 121-122). Cette nouvelle violence entraîne un changement de référence : le monde moderne substitue la froide décision de l’expert à la considération (au scrupule) d’ordre moral. Par exemple, l’attention portée aux pauvres ne s’enracine plus dans l’amour du prochain, mais relève de l’engagement politique. Jacques Ellul s’insurge “ contre les violents ” – ceux qui privilégient les idéologies – au nom de la violence de l’amour qui, elle, conformément au message divin, ne cherche jamais à posséder. l Présence au monde moderne, Genève, Roullet, 1948 ; L’homme et l’argent, Neuchàtel, Delachaux & Niestlé, 1951 ; La technique ou L’enjeu du siècle, Paris, A. Colin, 1954 ; rééd. Paris, Economica, 1990 ; Le vouloir et le faire. Introduction pour une éthique chrétienne, Genève, Labor et Fides, 1965 ; Contre les violents, Paris, Le Centurion, 1972 ; Éthique de la liberté, Genève, Labor et Fides / Paris, Le Centurion, 3 vol., 1975-1984 ; La foi au prix du doute, Paris, Hachette, 1980 ; La parole humiliée, Paris, Seuil, 1981 ; La subversion du christianisme, Paris, Seuil, 1983 ; Ce que je crois, Paris, Grasset, 1987 ; La raison d’être. Méditation sur l’Ecclésiaste, Paris, Seuil, 1988 ; Le bluff technologique, Paris, Hachette, 1988. ® Ellul Sludies, bulletin trimestriel de l’Université de South Florida, depuis 1988. André LANIÈRE
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