Henri Focillon

En savoir plus
Cet article provient du Dictionnaire des philosophes, sous la dir. de Denis Huisman, 2e édition revue et augmentée, Paris, PUF, 1993. FOCILLON Henri. 1881-1943 Historien d’art et d’esthétique né à Dijon et mort à New Haven (États-Unis). En 1913 il obtient la chaire d’histoire de l’art à l’Université de Lyon ainsi que la charge de conservateur du musée de cette ville. Professeur d’histoire de l’art à la Sorbonne en 1924 puis titulaire en 1938 de la chaire d’esthétique et d’histoire de l’art au Collège de France. Exilé en 1940 aux États-Unis il enseignera près l’Université Yale à New Haven. Dans son œuvre proprement historique Focillon, dès son G. B. Piranesi (1918), prend le parti d’affirmer ses préférences idéologiques, le xixe siècle, et esthétiques, le Moyen Âge. Sa méthode consiste à mettre en lumière toutes les différences et les concordances entre l’ensemble des formes et les mouvements des transformations sociales ou intellectuelles ; la peinture, partie intégrante de cet ensemble, loin d’être le reflet exact de son siècle, lui “ donne forme ” et vitalité. Dans son Art des sculpteurs romans (1931) Focillon a renouvelé les méthodes françaises d’étude de l’art roman et de l’art médiéval, les situant dans une perspective historique et stylistique, analysant les relations qui, diverses selon les temps et selon les lieux, s’établissent entre les faits, les idées et les formes, et où ces dernières ne sauraient être considérées comme un simple décor ; pour ce faire il dut dépasser les considérations archéologiques sur la chronologie, les filiations et l’iconographie, appréhendant la notion de style comme équilibre instable. Par “ stylistique fondamentale ” il délimite un système formel dont on peut étudier les origines, la formation, la maturité et le déclin. Aussi unit-il dans la même recherche les problèmes matériels, formels et historiques afin de légitimer sa démonstration méthodologique dont l’architecture gothique fut le domaine privilégié. Mais c’est par un essai de méthodologie et de doctrine, La vie des formes (1934), alors qu’il se voulait avant tout historien, que Focillon a établi sa fortune critique. Tout en se mettant hors de portée d’un déterminisme social quelconque, fût-il tainien, Focillon se place résolument à l’opposé de l’historicisme de l’école viennoise de Dvorak, ainsi que des méthodes iconologiques de l’école de Warburg, celles en particulier de Erwin Panofsky. Si l’œuvre d’art peut et doit être étudiée dans sa réalité présente en tant qu’interprétation de la matière et interprétation de l’espace réel ou représenté, elle ne peut être comprise que dans le contexte temporel, reconnue comme un “ fait historique ”, placée au centre d’un trajet évolutif. Elle est le point de départ et d’aboutissement de séquences expérimentales liées entre elles. Ces “ généalogies ” complexes, ces enchaînements que Focillon nomme des “ métamorphoses ” donnent à la forme sa vraie signification, car si chaque œuvre est “ unique ” elle participe à l’universalité de l’évolution. Dans sa dernière grande synthèse, Art d’Occident (1938), Focillon démontrait une fois de plus que l’art est un monde cohérent et actif, animé surtout par son propre mouvement, auquel l’histoire politique ou sociale sert seulement de cadre ou de référence. Aujourd’hui le formalisme méthodologique de Focillon a perdu beaucoup de sa pertinence, surtout depuis les travaux concernant l’architecture gothique (notamment ceux de Jean Bony et Robert Branner). C’est en Amérique, à la suite des méthodes d’un Ernst Cassirer s’appuyant sur la fonction symbolique du langage de l’art, que sa pensée semble avoir eu un certain prolongement. l La peinture aux xixe et xxe siècles, 1930 ; L’art des sculpteurs romans, 1931 ; La vie des formes, 1934 ; L’art d’Occident, 1938 ; Peintures romanes des églises de France, 1938 ; Survivances et réveils, 1945, posthume. ® Le catalogue à peu près complet de l’œuvre de Henri Focillon figure dans Bibliographie Henri Focillon, New Haven - Londres, éd. L. Grodecki, 1963. À consulter : G. Kubler, The Shape of Time, Remarks on the History of Things, New Haven, 1962. Alain Degange