Anna Freud

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Cet article provient du Dictionnaire des sciences humaines, sous la dir. de Sylvie Mesure et Patrick Savidan, Paris, PUF, coll. “ Quadrige/Dicos poche ”, 2006. FREUD Anna, 1895-1982 Née le 3 décembre 1895 à Vienne, Anna est la dernière des six enfants de S. Freud et la seule à être devenue psychanalyste. Après des études littéraires brillantes, elle devient institutrice en 1920 et entreprend une cure analytique classique avec son père, d’octobre 1918 à 1922, ce que pratiquaient également Melanie Klein avec son fils Erich, Jung et K. Abraham. Freud écrit à Edoardo Weiss qui le consultait sur ce point : “ Avec ma propre fille, j’ai bien réussi, avec un fils on se heurte à des scrupules particuliers. ” Plus tard, Anna dira de son analyse : “ À l’époque, ma formation analytique s’est déroulée de la façon la moins conventionnelle qui soit, sans idée directrice bien précise... ” Elle fait son entrée dans la Société psychanalytique viennoise (spv) le 31 mai 1922, avec une conférence : “ Fantasme d’être battu et rêverie diurne ”. De façon déguisée, elle y fait état de sa propre expérience ; cela renvoie au texte de Freud de 1919 “ Un enfant est en train d’être battu ”, où il fait écho, entre autres, aux fantasmes d’Anna. Son expérience d’enseignante auprès déjeunes enfants l’aide à introduire la psychanalyse d’enfant à Vienne. De 1923 à 1926, elle conduit dix longues analyses d’enfant. En 1924, elle ouvre un séminaire sur la psychanalyse d’enfant. En 1925, elle est nommée secrétaire du Comité de formation, lors de sa création. En 1926, alors que Freud se retire de l’api, elle en devient secrétaire générale. La même année, elle fonde une école privée et une nurserie avec ses amies Dorothy Burlingham, Eva Rosenfeld et avec l’aide financière d’Édith Jackson. École très moderniste dont Peter Heller a loué l’expérience ([1990] 1996). En 1930, elle devient secrétaire de la spv et en 1934, accède à la vice-présidence de l’api. Sa notoriété d’analyste et de pionnière dans l’éducation conduit le ministère de l’Éducation de Vienne à lui demander, en 1927, quatre conférences destinées aux enseignants et aux parents, où elle décrit les étapes du développement de l’enfant, de la petite enfance jusqu’à l’adolescence. Elle insiste sur le rôle de l’éducation des parents et le rôle de l’école pour le développement normal de l’enfant. C’est la première à introduire la dimension psychanalytique dans l’école et l’éducation. En 1927, elle publie Le Traitement psychanalytique des enfants, puis en 1936, Le Moi et les mécanismes de défense où elle met en valeur les défenses contre les affects, repérées dans l’analyse des enfants. En 1938, toute la famille Freud ainsi que d’autres Viennois s’exilent à Londres où Freud meurt en 1939. Anna y développe ses activités. Elle crée les Hampstead War Nurseries avec Dorothy Burlingham et la Jackson Nursery avec la pédiatre Joséphine Stross. L’arrivée des analystes viennois à Londres représente une menace pour Mélanie Klein qui y tient une place prépondérante. Grâce à elle, l’École de Berlin et l’École anglaise se sont développées, en dehors de l’influence de la psychanalyse viennoise. Ce qui induit des différences dans la compréhension de l’enfant et des divergences dans la technique analytique. Anna Freud accorde une prévalence à la Seconde topique de Freud, parue en 1922, avec les trois instances : Moi, ça et surmoi. Dans une conférence de 1966, “ Brève histoire de la psychanalyse d’enfant ” (in L’Enfant dans la psychanalyse [1971] 1976), elle considère qu’il faut adapter la technique de l’association libre en raison de l’immaturité du Moi de l’enfant, des forces du sur-moi et des pressions pulsionnelles du ça, que l’enfant ne sait endiguer. La visée du travail avec l’enfant est de prévenir les blocages et les inhibitions, de lever les régressions paralysantes et libérer les énergies propres de l’enfant pour son développement. Cette perspective inclut une dimension pédagogique, au détriment du transfert de l’enfant. Mais avoir été analysée par son père implique évidemment une conception particulière du transfert. Ces préoccupations d’ordre technique l’éloignent de M. Klein qui considère le jeu comme la forme infantile des associations libres qu’il convient dès lors d’interpréter. Par ailleurs, pour elle, l’insistance sur l’Œdipe précoce met en jeu dès le départ les pulsions de vie et de mort, le clivage des objets en bons ou mauvais, et le rôle de l’introjection et de la projection. Le stade oral (quasi prépsychotique) détermine, d’après elle, tout le devenir de l’enfant. Tous ces débats qui occupent les analystes pendant les années de guerre à Londres (1941-1945) sont rassemblés dans Les Controverses Anna Freud Melanie Klein (1996) et conduisent la Société à concevoir deux types de formation au lieu d’une scission. Par sa grande ouverture et sa générosité, Anna Freud a su s’intéresser aux enfants sans famille, aux délinquants et accepté en analyse des pervers, des alcooliques, des homosexuels, fait rare à l’époque. Elle meurt en pleine possession de ses facultés, le 9 octobre 1982 à Londres. l Le Traitement psychanalytique des enfants (1926), trad. É. Rochat et A. Berman, Paris, puf, 2002. — Le Moi et les mécanismes de défense (1936), trad. A. Berman, Paris, puf, 2001. — L’Enfant dans la psychanalyse (1971), trad. D. Widlöcher, Paris, Gallimard, 1976. u Heller P., Une Analyse d’enfant avec Anna Freud (1990), trad. S. Burckhardt et J. Rueff, Paris, puf, 1996. — Young-Bruehl E., Anna Freud (1988), trad. J.- P. Ricard, Paris, Payot, 1991. — King P. & Steiner R. (dir.), Les Controverses Anna Freud Mélanie Klein (1941-1945), trad. L. Eduardo Prado de Oliveira, M.-C. Vila, C. Rendu, Paris, puf, 1996. – Freud, coll « Synthèses », Armand Colin, 2000, 6e rééd. 2006 (traduit en espagnol et en américain) ;
Jacques Sédat
Ouvrages de Jacques Sédat :
– Retour à Lacan ? (sous la dir.), Fayard, 1981 (traduit en espagnol) ;
– Comprendre Freud, coll « Cursus », Armand Colin, 2007.
Participation à des ouvrages collectifs :
– Encyclopaedia universalis, « Psychanalyse » (1980), « Les enjeux de la psychanalyse » (1985) ;
– L’Apport freudien, « Psychanalyste », Bordas, 1993 ;
– Dictionnaire de la psychanalyse, Encyclopaedia Universalis, « Théorie et pratique de la psychanalyse », Albin Michel, 1997 ;
– François Perrier, L’Amour, « Pour introduire l’amour en psychanalyse », « L’amour courtois », Hachette Littératures Pluriel, 1998 ;
– Dictionnaire international de la psychanalyse (nombreux articles), sous la dir. de Alain de Mijolla, Calmann-Lévy, 2002.
– Dictionnaire de la pensée médicale, « Psychothérapie », PUF, 2004 ;
– Dictionnaire des sciences humaines, « Freudisme et postfreudisme », « Anna Freud », PUF, 2006.
Jacques Sédat dirige la collection « Cursus Psychanalyse » chez Armand Colin et la collection « Les introuvables de la psychanalyse » pour la Bibliothèque des Introuvables.